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Les foulards rouges

Les foulards rouges

Titel: Les foulards rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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rouges et blanches et salua les dames,
puis il s’inclina légèrement devant un balcon où un homme, vêtu de la pourpre
des cardinaux, lui adressa un signe de la main en murmurant d’une voix émue :
    — Comte, je n’oublierai jamais cet
instant de bonheur !
    Enveloppé dans sa longue cape noire, Nissac
tourna les talons, sans un regard pour les dizaines de mouchoirs de dentelle et
même les jarretières que lui lançaient les belles dames de la Cour.
    Sans un regard, non plus, vers la plus belle d’entre
toutes, Charlotte de La Ferté-Sheffair, duchesse de Luègue, dix-huit ans depuis
septembre, qui murmura :
    — Comte de Nissac, vous serez mon premier
amant… Ou j’en mourrai !
    Les deux amis du duc
de Beaufort n’avaient pas été bien loin. En selle avec dix autres jeunes
seigneurs, ils attendaient la sortie du comte de Nissac.
    Celui-ci parut sur son haut cheval noir et, comprenant
la situation d’un regard, il piqua des deux tandis que la douzaine de seigneurs
ouvraient le feu au pistolet avant d’entamer la poursuite.
    Touché à la hanche, Nissac s’efforçait de
réfléchir.
    Il souffrait, certes, mais savait d’expérience
que pourvu qu’il atteignît un lieu sûr, il s’en remettrait en moins de deux
jours.
    Sauf qu’il lui sembla peu probable qu’il pût
jamais arriver rue du Bout du Monde, qu’il eut assez d’esprit pour trouver bien
nommée en la circonstance.
    Son cheval sentait le flottement inhabituel de
son cavalier à la poigne relâchée et d’ordinaire si sûre et si précise. Désorienté,
l’animal adoptait des allures irrégulières et s’affolait de tout, à commencer
par le bruit de ses propres sabots sur le pavé de Paris.
    Nissac s’était laissé déborder par les
événements : ce triple duel beaucoup plus facile qu’il n’avait osé l’imaginer,
le signe de distinction du cardinal, les acclamations des jolies dames –
« Faemina nobilis Parisiensis » ! –, sa blessure, la poursuite
et ce cheval fou de terreur qui n’en faisait qu’à sa tête !
    La rue du Bout du Monde et celle de
Sainte-Marie Égiptienne, il n’y fallait plus compter à présent. Trop éloignées
sur sa gauche.
    Débouchant aux Halles, Nissac risqua un coup d’œil
par-dessus son épaule et constata avec soulagement que ses poursuivants ne
gagnaient point de terrain car à douze en les rues étroites du quartier, ils se
gênaient grandement, se cognaient les uns aux autres et ralentissaient leur
course.
    Le comte de Nissac traversa les Halles sous
les injures des commerçants et enfila la rue Au Faire. Il savait à présent où
aller et le moyen d’y parvenir.
    Il arracha son gant avec ses dents et le tint
ainsi puis, se penchant sur l’encolure de son cheval, il lui caressa les
naseaux et les yeux de sa main dure et rassurante en lui murmurant :
    — Camarade, tu es un cheval de guerre !…
Tu as vu plus de boulets espagnols que tous ces puceaux lancés derrière nous, et
leurs chevaux avec eux. Alors de grâce, ne me déçois-pas.
    Et il serra la bride.
    Reprise en main, sa monture, une bête
remarquable, gagna en souplesse, allongea la foulée et prit de la vitesse
tandis que Nissac l’orientait dans la rue Briboucher.
    Un nouveau regard en arrière et Nissac
constata qu’il avait perdu ses poursuivants. Il ne ralentit point l’allure pour
autant.
    Au reste, on faisait place devant lui.
    Le martèlement des sabots qui jetaient des
étincelles en jappant le pavé faisait d’abord tourner les têtes. Puis, presque
aussitôt, on s’écartait en découvrant cet étrange et terrifiant cavalier. Un
visage presque invisible sous le feutre marine rabattu sur les yeux, les plumes
rouges et blanches en une harmonie qui tenait de Dieu et du diable, l’homme et
la bête qui semblaient ne faire qu’un tant le cavalier se couchait sur l’encolure
du cheval, le sang écarlate qui ruisselait depuis la hanche sur la haute botte
noire et puis l’allure !…
    L’allure !
    Nissac était la guerre, l’homme de guerre. On
devinait le général sans qu’il fût nécessaire de savoir son nom et sa qualité. Avec
lui, avec cette silhouette, avec toute cette violence de l’homme couché sur son
cheval pour lui allonger l’encolure, on croyait entendre les hurlements des
blessés, le bruit des boulets, les remparts qui craquent, les charges qui se
brisent, l’infanterie qui reflue. On imaginait le sang, les rubans d’intestins
sur la verdeur des prés. On sentait l’odeur

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