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Les foulards rouges

Les foulards rouges

Titel: Les foulards rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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rentrer et les
armées coûtent cher !… De plus, je crois que nous ne connaissons point
encore tous nos ennemis. Si la Providence vous mettait en présence de quelque
richesse, n’hésitez pas, Nissac, prenez ! Faites main basse : service
du roi !… Prenez et versez directement en la cassette de la Régente car
moi, il ne peut me passer un écu entre les mains que je ne sois suspecté par
mes ennemis de m’enrichir.
    — Je verrai cela aussi, monsieur le
cardinal ! répondit Nissac, assez perplexe.
    Le cardinal l’accompagna à la porte et, avant
de le quitter, questionna :
    — N’avons-nous rien oublié ?
    Le comte de Nissac, qui craignait toujours que
sa loyauté ne fût à tort prise en défaut, hésita un instant et cela, bien
entendu, ne pouvait échapper à un homme tel que Mazarin, rompu à tous les
aspects de la nature humaine :
    — Il y a quelque chose !… Parlez, Nissac !
    — Eh bien voyez-vous, monsieur le
cardinal, j’ai croisé en les jardins le duc de Beaufort et deux de ses amis. Je
n’ai guère apprécié sa présence puisqu’il est officiellement en fuite [2] . Je n’ai pas davantage aimé leurs regards et s’ils m’attendent…
    — Un instant !
    Le Premier ministre se précipita à la fenêtre
et jeta un regard de biais vers les jardins.
    Il revint à pas lents vers Nissac. Il avançait
tête baissée, l’air songeur, puis, regardant le comte droit dans les yeux :
    — Quelle audace !
    Il secoua la tête et reprit :
    — Depuis son évasion de Vincennes, on le
disait en Vendômois. Il ose se montrer sous mes fenêtres et, qui plus est, il
vous attend… S’il vous provoque, que comptez-vous faire ?
    — Défendre mon honneur. Bien entendu.
    Mazarin retourna vers la cheminée et étendit
les mains vers les flammes.
    — « Défendre votre honneur »…
« Bien entendu »… Ils sont trois, est-ce trop ?… Pouvez-vous l’emporter ?
    Nissac, le visage inexpressif, répondit :
    — La chose m’est possible. Ils n’oseront
tout de même point attaquer à trois dès l’ouverture.
    Mazarin se frotta les mains.
    — Vous pourriez battre Beaufort ?
    — C’est possible.
    — Et ses deux amis qui ne tarderaient
point à vous tomber dessus sitôt le duc défait ?
    — C’est possible.
    Mazarin, changeant d’humeur assez brusquement,
se frotta joyeusement les mains :
    — Restez dix minutes en cette pièce, le
temps que je prévienne et que toute la Cour se trouve aux fenêtres et en les
jardins.
    — La chose est entendue, monsieur le
cardinal.
    Mazarin allait et venait, nerveux, enchanté, surexcité,
spéculant en imaginant une scène qui pourrait tourner à son avantage et
provoquer le désarroi de ses ennemis.
    — Ridiculisez-le !
    — Devant toute la Cour ? C’est bien
cruel.
    Mazarin tapa du poing contre le manteau de la
cheminée.
    — Ri-di-cu-li-sez-moi le duc et son petit
monde mais, méfiez-vous, Beaufort sait tenir une épée. Il est même redoutable. Et
surtout, surtout ne me les tuez pas ou la farce ne serait plus farce mais
tragédie. M’avez-vous compris, Nissac ?
    — Je crois que tout est clair, monsieur
le cardinal.
    — Alors, Dieu soit avec vous ! Ridiculisez
cet imbécile et c’est toute la Fronde qui pleurera, ce qui me donnera très
grand bonheur… Vous allez livrer le duel le plus politique de l’année, mon très
cher Nissac.

9
    Bien qu’il fût assez stupide et en eût fourni
mille preuves plus accablantes les unes que les autres, François de
Bourbon-Vendôme, duc de Beaufort, n’en était pas moins le petit-fils d’Henri IV
et de Gabrielle d’Estrées.
    La trentaine, c’était un beau blond aux
cheveux longs, à l’air avantageux, à l’élégance recherchée. Excellent escrimeur,
il employait un langage ordurier et frayait volontiers dans les bas quartiers
de la capitale. Adoré des poissardes et des crocheteurs, il en avait hérité le
surnom de « Roi des Halles ».
    Entouré de deux gentilshommes, il attendait le
comte de Nissac en affûtant le fil de son épée sur la margelle d’un bassin en
une attitude où la provocation relevait de l’évidence.
    Quand le comte, qui ne fit rien pour se dérober,
fut à sa hauteur, le duc vint vers lui de sorte que, flanqué de ses deux amis, il
lui barra la route.
    Beaufort n’y alla pas par quatre chemins :
    — Mais ne serait-ce point le comte de
Nissac ?… Voyez-vous, cher comte, je vous regardais, et je regardais
également ce bassin

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