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Les foulards rouges

Les foulards rouges

Titel: Les foulards rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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sur les six déterreurs de cadavres, à présent
encerclés, toute retraite coupée.
    Découverts, ceux-ci abandonnèrent
immédiatement pelles et pioches pour sortir l’épée du fourreau.
    D’un légalisme de bon ton, certes un peu
suranné en ces temps troublés de sédition mais qui impressionna favorablement
le comte de Nissac, le lieutenant de police criminelle, l’épée à la main, donna
sommation :
    — Jérôme de Galand, lieutenant criminel
du Châtelet. Au nom du roi, rendez-vous !
    On devina un certain flottement chez les violeurs
de sépultures qui, sans doute, prenaient la mesure de l’adversaire. Une rude
affaire car avec Nissac, Galand et leurs hommes, ils se trouvaient face à onze
gaillards déterminés.
    Mais, d’une voix insolente qui indiquait assez
comme l’homme devait bénéficier de puissants appuis, le chef des factieux
répondit avec mépris :
    — Le roi est otage du cardinal et
celui-ci est hors les lois du royaume. Aujourd’hui, servir le roi, c’est servir
le prince de Conti, le coadjuteur et le parlement. Vous, rendez-vous !
    Galand regarda le comte de Nissac avec
découragement :
    — Le plus grave est sans doute qu’il se
trouve en grande sincérité car en ces temps, beaucoup ne savent plus qui servir.
    — Qu’entendez-vous par là ? demanda
Nissac sans masquer une certaine irritation.
    Galand sembla désemparé :
    — J’entends par là que j’ignore tout de
ces hommes, pense qu’ils se fourvoyent mais ajoute qu’ils sont peut-être
honnêtes en leur dévouement au prince de Conti, au coadjuteur et au parlement. Voilà
qui complique les choses.
    — Mais ils sont occupés à violer une
sépulture, et c’est là grand crime de tout temps et sous quelque gouvernement
que ce fût !
    — Si fait, monsieur le comte, mais
nous-mêmes, qu’allions-nous faire d’autre ?
    L’argument semblait de poids aux yeux du
lieutenant de police criminelle et le baron Le Clerc de Lafitte, qui se
trouvait tout proche, hocha la tête.
    C’était compter sans Nissac pour lequel ce
débat n’en constituait point un. Sa voix se fit plus cinglante :
    — Monsieur, vous menez enquête criminelle
et je traque une bande de factieux qui nuit à la sécurité de l’État et place
sous la menace des armes le Premier ministre qui représente le roi. Peu m’importe
le coadjuteur, le prince de Conti, toute cette noblesse qui s’égare. Notre
mobile à déterrer ce cadavre est affaire de police criminelle et de sûreté du
pouvoir royal, ce qui n’est point motivation de ces gens-là. Je ne pense point,
monsieur, qu’il y ait là matière à s’interroger sur la légalité, le devoir ou
la légitimité, qui sont sujets fort intéressants pour soirée au coin de feu et
non point la nuit, par grand froid, en un cimetière et face à une bande armée
qui s’oppose au représentant de la loi que vous incarnez.
    Galand, impressionné, fit retraite sans
pourtant capituler :
    — J’entends bien, monsieur le comte, ces
choses sont fort bien dites et ne manquent point de poids. Néanmoins, mon
scrupule est que ces gens, parmi lesquels se comptent peut-être des
gentilshommes, pensent, eux aussi, servir un pouvoir légal.
    — Si vous raisonnez ainsi, la Fronde a
déjà gagné.
    — Non point, mais la question mérite
réponse pour légitimer l’action.
    L’hésitation de Galand lui faisait honneur, mais
l’honneur de Nissac était de ne point connaître l’hésitation ; il sortit
son épée de son fourreau.
    Immédiatement, les six hommes du comte l’imitèrent
dans un bruit où le métal frottant le métal laissait entendre qu’était passé le
temps des palabres. D’instinct, les archers avaient également sorti l’épée.
    Le lieutenant de police criminelle hocha la
tête avec un flagrant manque de conviction et en maugréant :
    — Je le répète, pareilles questions
méritent cependant réponses.
    Frappant légèrement de son poing ganté la
poitrine du lieutenant, en une série brève mais insistante, Nissac répondit en
retroussant sans s’en rendre compte sa lèvre supérieure :
    — Monsieur, depuis la nuit des temps ce
débat existe. Il existera encore dans les siècles à venir aussi bien, je vous
dirais ceci : servir le pouvoir du moment, parce qu’il est le pouvoir, parfois
installé dans la violence, contre la morale et la volonté commune, c’est avoir
âme de valet et œuvrer à la canaillerie, aux excès et aux crimes. Le peuple

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