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Les foulards rouges

Les foulards rouges

Titel: Les foulards rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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s’est
choisi le roi, nous le savons tous deux. Et nous devinons tous deux qu’il n’en
sera peut-être pas toujours ainsi et que le devoir, alors, sera de servir le
peuple même contre le roi car c’est avant tout ceux qui le composent, la grande
multitude, qui le font exister. Mais alors nous le saurons et en attendant, ce
serait absurdité que de servir une coterie de bourgeois écervelés du parlement
alliés à de grands seigneurs qui souhaitent revenir deux siècles en arrière.
    Galand sembla d’abord tomber des nues, puis
regarda Nissac sans masquer sa sympathie :
    — C’est là idée fort dangereuse, monseigneur.
Un mauvais esprit songerait en vous écoutant que vous pensez : mieux vaut
un roi qu’il est possible de renverser quelque jour prochain que des pouvoirs
multiples et forts en les régions, c’est-à-dire adversaires diversifiés rendant
la tâche plus malaisée.
    Nissac lui sourit, puis son regard se porta
sur les profanateurs de sépultures.
    — Mais ni vous ni moi n’avons mauvais
esprit, mon cher Galand.
    Galand vivait un rêve éveillé. Quoi, un comte
de Nissac partageait ses préoccupations, allait et venait d’un pas alerte en
son jardin secret dont il semblait connaître chaque allée ?
    Il osa l’ultime question :
    — Mais, monsieur le comte, à quoi
reconnaît-on la voie lumineuse qu’on pourrait appeler… « le devoir » ?
    Nissac haussa les épaules :
    — À une petite chose qui palpite en nous
et qu’il ne faut point étouffer. Une petite chose…
    Il scruta attentivement Galand. Par ses
questions, le lieutenant de police criminelle en disait long sur ses sympathies
et inclinations. Au fond, ils se reconnaissaient semblable secret idéal :
    — Une petite chose qu’on pourrait nommer
la conscience.
    Là-bas, les violeurs de sépultures, qui
croyaient à une dissension, tentèrent d’aiguiser celle-ci :
    — C’est avec la langue, qu’on ferraille, messieurs,
point donc avec l’épée ? Grand bien vous fasse. De notre bord, ce qui ne
manque point, c’est l’or.
    — Et nous, le métal ! répondit
Nissac en avançant seul, l’épée à la main, vers les Frondeurs.

18
    Le chef des factieux, probablement un nobliau
acquis à la Fronde, avança vers Nissac et se mit en garde.
    L’épée bien en main, le comte le regarda droit
dans les yeux en disant :
    — Vous êtes bien jeune, monsieur, quand
je traîne sur les champs de bataille depuis fort longtemps. Il est encore temps
de briser là, et l’honneur serait sauf.
    Le jeune homme, en lequel s’immisçait le doute,
passa outre à celui-ci et, se forçant à rire :
    — Tandis que vous, monsieur, avec vos
cheveux qui grisonnent, vous avez sans doute assez vécu ?
    Nissac lui jeta un regard désolé. Le jeune
homme avança fougueusement. Au lieu de reculer pour contenir l’attaque, le
comte en fit autant, en contre. Son bras se détendit. Un geste, un seul, et le
jeune homme s’effondra, un trou dans la gorge.
    Hormis Le Clair de Lafitte et Frontignac, qui
connaissaient la manière de Nissac, les spectateurs furent stupéfaits.
    — Qu’est cela ? murmura le lieutenant
de police criminelle.
    Frontignac, qui avait si souvent admiré son
général en ses œuvres, expliqua à mi-voix :
    — Aucune diablerie là-dessous. Nul ne
sait exactement l’origine de ce coup qui semble antérieur au règne du roi Henri
le quatrième et dont parle chronique ancienne. On dit que les Nissac, qui
écumèrent les océans sur les vaisseaux de la flotte royale, tiendraient le
secret des barbaresques mais rien ne l’atteste. D’ailleurs, même lorsqu’il n’utilise
point ce coup secret, le comte ne peut être battu. Ah, excusez-moi…
    Frontignac s’avança car les cinq Frondeurs
survivants, non sans courage, faisaient face. Le Clair de Lafitte rejoignit
Frontignac, puis Maximilien Fervac, redoutable lame des Gardes Françaises. Délégués
d’un geste par Galand, deux archers, représentant en quelque sorte la police, se
joignirent au groupe tandis que Nissac, ayant fait un pas en avant, se posait
en éventuel suppléant au cas où un des siens tomberait au combat.
    À cinq contre cinq, le combat s’engagea
loyalement.
    Presque aussitôt, les Frondeurs furent
débordés. Fervac, à la première passe, blessa son adversaire à l’épaule et
chacun admira son style, son efficacité et sa grande élégance.
    Le Clair de Lafitte, peu pressé de conclure, avait
pris l’ascendant sur un vieux

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