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Les foulards rouges

Les foulards rouges

Titel: Les foulards rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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raisons qui vous amènent à pousser la porte d’un homme que vous ne
connaissez point et cela, fort avant dans la nuit ?
    — J’avais froid, monsieur.
    Le comte fut un instant déconcerté, puis :
    — Ah çà, madame, me confondriez-vous avec
une cheminée ?
    — Non point, monsieur. Mais la chaleur se
trouve parfois où on l’imagine.
    — Certes, mais suis-je responsable s’il
vous vient d’étranges imaginations ?
    Elle le regarda, soudain désemparée, et ce
beau regard de jeune femme émut le comte. Alors, comme on tire sa dernière
cartouche, la duchesse fit choir le manteau émeraude qui tomba à ses pieds en
révélant un corps splendide, une poitrine généreuse et ferme.
    La jeune femme remarqua l’effet qu’elle
produisait mais elle-même, trop bouleversée, ne trouva pas ses mots. Elle se
précipita vers une table basse et, saisissant une cruche et un gobelet d’étain,
se versa de l’eau qu’elle fit déborder. Puis elle vida le gobelet d’un trait.
    Ce faisant, elle prit conscience qu’elle
tournait le dos au comte. Elle ne l’avait certes pas prémédité mais, à la
réflexion, ne le regretta point, sachant la perfection de sa chute de reins.
    Le calcul ne manquait pas de finesse. Nissac
fut ému par ces épaules, ces minces épaules de jeune femme qui rappellent toujours
comme l’adolescence n’est pas loin.
    Il admira la taille fine, les hanches larges
et la rondeur parfaite des fesses puis, en homme qui aime les femmes, laissa
descendre son regard vers les chevilles. Il aimait les chevilles féminines. Il
éprouvait grand désir et volupté à les serrer en ses mains avec force, comme
pour les étrangler, puis les couvrir de baisers.
    La duchesse se retourna enfin et constata que
cette fois, au mieux, elle ne l’emporterait pas mais ferait jeu égal avec le
comte car, s’il la désirait, elle le voulait certainement plus encore.
    Elle posa une main sur sa hanche en un geste
un peu canaille, un peu « garçon », et qui attendrit le comte car il
devina comme cette attitude provocante, et sans doute inhabituelle, dissimulait
un flagrant manque d’assurance.
    Se dominant pourtant, elle lui dit :
    — On vous aime, monsieur.
    — Alors c’est qu’on place bien mal son
amour, madame.
    — En quoi l’amour qu’on vous porte vous
concerne-t-il, comte ?
    — En cela qu’il me fait exister, duchesse,
et que tel n’est peut-être point mon désir.
    — Prenez-moi dans vos bras ou je vais
mourir de honte !
    Il se donna un instant de réflexion et dut
convenir que le jeune femme, nue devant lui, se trouvait en position délicate. Redoutant
d’être troublé par ce contact, il lui ouvrit cependant les bras.
    Elle s’y jeta.
    Elle s’y jeta et l’enveloppa aussitôt de
chaleur, de douceur, d’un halo de tendresse et ce fut chose semblable à l’assaut
répété et invincible des vagues qui toujours finissent par l’emporter sur les
rocs les plus durs comme les femmes depuis toujours et sans doute jusqu’à la
fin des temps l’emportent sur les cœurs trop fragiles des hommes.
    Pris dans un tourbillon, enivré par l’odeur
des cheveux blonds et le goût sucré de cette adorable épaule qu’effleuraient ses
lèvres, le comte songea avec un très curieux détachement : « Finalement,
je suis incapable de résister alors que je dois être un des seuls soldats à n’avoir
jamais reculé devant les Espagnols ! »
    Puis il pensa à madame de Santheuil, à sa
chère Mathilde.
    Totalement aux abois, sans repères, tel un
bateau sans gouvernail dans la tempête, il fut frappé par la force de l’amour
qu’il portait à Mathilde. et que cela n’empêchait rien, absolument rien ! Ainsi
pouvait-on aimer une femme, ne penser qu’à elle, et en désirer une autre ?
    Le comte s’accabla : « Quel genre de
chien suis-je donc ? »
    Dans un sursaut qui demandait un courage que
seul, hélas, l’intéressé eut à connaître, il se détacha légèrement, prit la
duchesse aux épaules et lui dit :
    — Madame, j’aime ailleurs !
    Le regard tout d’abord, puis les lèvres et
toute l’expression du visage de la jeune duchesse ne furent plus que sourire :
    — Comte, qui vous parle d’aimer ? Êtes-vous
un si petit garçon que je vous doive expliquer ces choses et que parfois la vie
est courte, que ma mère est morte en couches à l’âge de vingt ans et que vous, chaque
combat vous rapproche de la possibilité d’être tué ? Pensez-vous, cher
comte,

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