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Les foulards rouges

Les foulards rouges

Titel: Les foulards rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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point cette soudaine mélancolie.
    Aussi Nissac respira-t-il lorsque le cardinal
Mazarin le convoqua enfin, un matin, en l’accueillant avec un sourire :
    — Comte, on pense à vous à Paris. Regardez…
    Il s’approcha de son bureau, fouilla dans des
liasses de papiers qu’il souleva :
    — Libelles, pamphlets. Tenez, celui-là, vendu
sur le Pont-Neuf : « Que serait le potiron du Vatican, l’ignoble
Mazarin, sans ses Foulards Rouges ? »
    Voyant l’air grave du comte de Nissac, le
Premier ministre se reprit :
    — Vous repartez, comte. Et toujours la
même mission. Saboter les entreprises de la Fronde !… Ah, soyez heureux :
vous retrouverez l’action, votre hôtel du Bout du Monde et la belle Mathilde de
Santheuil que j’aime si fort.
    Le comte de Nissac sentit le sol se dérober
sous ses pieds mais parvint à masquer son émotion :
    — Vous l’aimez, monsieur le cardinal ?
    — Oh oui !… Je l’aime !… Et je
pense être payé de retour.
    Une vague de colère froide s’empara du comte
de Nissac.

27
    Il marchait d’un pas rapide, ses bottes de
cavalerie résonnant sur les dalles. Le foulard rouge noué autour du cou faisait
tourner toutes les têtes.
    Barons et baronnes, marquis ou marquises, comtes,
comtesses, ducs, duchesses, princes et princesses : il ne saluait personne,
ne voyait rien, avançait comme halluciné et nul n’osa poser la moindre question
au général-comte de Nissac tant il semblait farouche et déterminé.
    Il arrêta un valet et se fit conduire.
    Une fois arrivé, il congédia l’homme d’un
regard et entra sans frapper.
    La très jeune Charlotte de La Ferté-Sheffair, duchesse
de Luègue, qui se faisait coiffer, se leva, soudain très pâle, et trouva le
regard du comte de Nissac. D’un geste vif, elle renvoya sa servante.
    Le comte lui ouvrit les bras, elle s’y jeta et
lui offrit sa bouche.
    Peu ensuite, il la tint aux épaules et la
regarda.
    — Je repars à Paris, madame, et n’en
reviendrai peut-être pas.
    — Donnez-moi cette journée.
    — J’aime toujours ailleurs, duchesse, et
même si mon amour est sans espoir, je ne changerai point. Mais aujourd’hui, je
suis faible.
    — Aimez-moi aujourd’hui, on n’en espère
pas davantage de vous. Après, si vous m’échappez, ignorez-moi à jamais, cela n’aura
plus d’importance.
    Malhabile, il l’aida à ôter sa robe puis, malgré
lui, fit un pas en arrière pour la contempler.
    Ses cheveux blonds effleuraient ses épaules. Une
touche de rouge aux joues rehaussait la pâleur de son teint et donnait à la
jeune femme un côté fragile qui fit souvenir au comte de ces porcelaines de
Siam entassées sur la barge empruntée pour quitter Paris. Une « mouche »,
coquetterie ultime sur une des pommettes, la faisait passer pour femme quand la
lourdeur adolescente des paupières laissait à penser que ce statut-là était
bien récent.
    La jeune duchesse de Luègue se tenait très
droite, fière de sa poitrine opulente et ferme. Elle ne portait plus guère, gainant
ses jambes magnifiques, que ses bas, tenus par des jarretières de soie rose, et
ses souliers de semblable couleur.
    Le comte la souleva et la porta sur le lit.
    La nuit tombait.
    Elle le regardait dormir avec profond
attendrissement. C’était donc cela, un homme ? Un général couvert de
gloire, épée à la main, faisant cracher ses canons, les grandes plumes de son
chapeau au vent de la bataille et ce corps endormi, sans défense, un sourire
enfantin jouant sur ses lèvres ?
    Nonobstant cette « inconnue » que le
comte aimait si follement, apparemment sans espoir de semblable sentiment en
retour, par quoi se trouvaient-ils séparés ?
    Nue, assise en un fauteuil placé au chevet du
lit, la jeune femme regardait ce corps musclé où couraient des cicatrices comme
si l’homme sortait des mains de cette redoutable couturière qu’on appelle « la
guerre ».
    Une fois encore, elle passa en revue leurs
condition et qualité respectives. Ainsi il n’était que comte et elle duchesse, mais
les Nissac appartenaient à plus haute et ancienne noblesse. Sous son masque de
guerrier, il avait beaucoup d’esprit et, bien qu’il en usât sans ostentation, le
sien possédait un côté aiguisé qui faisait défaut aux petits poudrés de la Cour.
Il savait même rire de lui, ce qui se rencontre rarement chez un homme et sa
valeur, son réel courage, sa gloire, le dispensaient des habituelles vanités
masculines.
    Enfin, en

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