Les foulards rouges
de
police, j’ai de nombreux amis. Toujours très proches.
Nissac suivit son regard. Un mendiant édenté
lui sourit mais écarta son droguet rapiécé pour laisser apparaître une longue
lame. Un crocheteur haut d’une toise lui adressa un signe, et pareillement un
charretier, un homme qui semblait bouvier, d’autres encore et tous, en l’intérieur
de leur habit, tenaient prêts poignards ou pistolets.
Le comte approuva d’un signe bref, pressé de
rentrer pour profiter de quelques heures de sommeil avant une nuit qu’il
devinait longue.
Cependant, le lieutenant de police criminelle
le retint :
— Sortirez-vous ce soir, monsieur le
comte ?
— C’est possible, en effet.
— En quel quartier ?
— Promenade sur la rivière de Seine.
— Au pont Barbier ? demanda le
policier avec un sourire.
— Ce pont n’était point sûr ! répondit
Nissac, imperturbable.
Sans même s’en rendre compte, le lieutenant de
police criminelle baissa la voix :
— Cette nuit, sur la rivière de Seine, double
barrage. La Fronde, tout d’abord, et peu ensuite, un autre de l’armée de
monsieur le prince de Condé.
— Merci. Nous ferons comme il convient.
25
Le comte de Nissac et ses cinq compagnons – Florenty
« étudiait » à Notre-Dame – partirent à la nuit de leur base du Bout
du Monde.
Promptement, ils passèrent rue Sainte-Marie Égiptienne
où, abandonnant leurs soutanes, ils reprirent leurs tenues habituelles et
laissèrent leurs chevaux.
La marche jusqu’à la rivière de Seine fut des
plus longues et des plus difficiles, le parlement ayant fait tendre les chaînes
situées aux bouts des rues.
Au calvaire qui marque le carrefour de la rue
Saint-Honoré et de la rue des Poulies, le comte et les siens se heurtèrent à un
parti de Frondeurs en nombre égal. Mais ceux-ci, assez inexpérimentés et menés
par un jeune Conseiller aux Enquêtes du parlement, furent stupéfaits en voyant
Nissac s’avancer, presque nonchalant, une main sur la hanche et l’autre tenant
l’épée à la verticale. La surprise fut courte car, bien vite, les Frondeurs
eurent le dessous et ne trouvèrent le salut que dans la fuite d’autant que
leurs adversaires dissimulaient leurs visages sous ces foulards rouges très
redoutés depuis le sac de l’hôtel Volterra et la très chaude affaire du pont
Barbier.
Nissac touchait presque au but.
Avec l’homme de
barre, ils se trouvaient sept en cette barge dont contenu et contenant
appartenaient à un proche du Premier ministre. Le chargement, qui venait de
Siam, était composé d’étoffes, de porcelaines et de plantes séchées fort
odorantes.
À l’avant du bâtiment, le comte de Nissac
regardait Paris plongé dans la nuit noire si ce n’est, de loin en loin, quelques
foyers encore éclairés. Là, quelque part, était Mathilde. Il ressentit une
cruelle impression de vide et se détourna.
Bientôt, ils durent faire halte à un barrage
fluvial de la Fronde. Nissac exhiba un passeport cosigné par le prince de Conti
et le duc d’Elbeuf. Aussitôt, on leur livra le passage.
Peu ensuite, ils se heurtèrent à un second
barrage, à l’initiative des Condéens, celui-là. Ayant soigneusement rangé le
premier document, Nissac montra un autre passeport revêtu des signatures de
Gaston d’Orléans et du prince de Condé. Le barrage s’ouvrit sans tarder.
L’un et l’autre documents étaient dus à la
main artiste de Nicolas Louvet, faussaire talentueux au service du comte de
Nissac.
Le reste du voyage se déroula sans incidents, Nissac
et les siens trouvant des montures aux avant-postes de l’armée de Condé, celle-là
même que le prince avait hâtivement ramenée des Flandres pour encercler Paris
et en laquelle Nissac, qui y avait servi comme général, entretenait connivences
et amitiés.
Les yeux du cardinal
Mazarin brillaient à l’égal des pierres précieuses qui scintillaient à la
flamme des chandeliers.
Il avait discrètement fait venir Nissac et ses
hommes à l’arrière du château de Saint-Germain-en-Laye, où il y avait une vaste
pièce reculée.
Avec ses manières d’homme de guerre parfois un
peu rudes, Nissac avait ordonné à ses hommes de vider le contenu des sacs sur
la grande table. Cela fait, l’équipe du comte s’était retirée sans dire une
parole et, depuis cet instant, le Premier ministre demeurait comme pétrifié en
regardant le merveilleux trésor.
Un peu gêné, le comte expliqua :
— Monsieur le
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