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Les foulards rouges

Les foulards rouges

Titel: Les foulards rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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qu’un instant de volupté partagé dérange l’ordre du monde ?
    Nissac eut un sourire désabusé.
    — Je le pense, madame. Le monde n’a
jamais encouragé le désir et pareillement le plaisir. Les gens tristes aiment
le pouvoir qui leur permet de brider ces êtres qui leur font horreur car ils
ont quelque aptitude au bonheur.
    — Mais cette nuit, qui pourrait nous la
voler ? Et moi-même, que vais-je prendre à celle que vous aimez et qui n’est
point à vos côtés, assez folle pour vous laisser seul ?
    — Duchesse, elle ne sait point que je l’aime.
    Elle approcha son visage, il l’embrassa
délicatement sur les lèvres, alla ramasser le manteau vert émeraude et le posa
avec grande délicatesse sur les épaules de la jeune femme en disant :
    — Restons l’un pour l’autre espérance d’un
monde de volupté, puisque ce fut votre mot. Il nous suffira de savoir que nous
existons, trichant un peu puisque le feu de la réalité n’aura pas même léché la
part de rêve qui fait de nous des complices. Croyez que j’agis sagement, jolie
duchesse, et allez vite dormir.
    Il décida de ne point voir les larmes qui
coulaient sur la peau douce de la jeune femme puis, lui donnant un bougeoir, il
l’entraîna avec douceur vers le couloir.
    Une fois seul, il s’allongea à côté de son
épée et songea : « Mathilde de Santheuil, il faudra m’aimer bien fort
pour me faire oublier cette jeune femme. »
    Le cardinal Mazarin
ne se résolvait pas à renvoyer au milieu des périls sa petite troupe d’élite
dont, partout, on vantait les mérites. Certains seigneurs eux-mêmes, en
sympathie avec la Fronde, et bien évidemment leurs dames, admiraient l’audace
et le panache des mystérieux Foulards Rouges de Mazarin.
    Nissac, morose, avait consigné sa petite
troupe. À l’écart de la Cour, il intensifiait les leçons : lancer de
poignard, épée, cheval, pistolet, mousquet, artillerie…
    Ce régime dura dix jours puis il sembla au
comte qu’il ne pouvait ainsi enfermer des hommes courageux qui n’avaient point
démérité.
    Puisque le Premier ministre lui-même ne s’occupait
point d’eux…
    Il leur donna quartier libre.
    Entre les dangers et les durs entraînements, la
petite troupe avait resserré ses liens. D’aristocrate ou de galérien, il n’était
plus question. L’amitié l’emportait. Et l’esprit de corps que les hommes eurent
l’idée de symboliser en nouant autour du cou leurs foulards rouges. Il eût été
erroné d’y voir quelque bas calcul, les compagnons de Nissac, dans l’ignorance
où ils se trouvaient de leur notoriété, ne voyaient dans le port des foulards
que reconnaissance entre eux, à l’exclusion de toute spéculation.
    Grave erreur.
    Les barons Melchior Le Clair de Lafitte et
Sébastien de Frontignac n’avaient pas risqué trois pas à la Cour que des hautes
dames les enlevaient en leurs appartements… – sans qu’ils opposent forte
résistance.
    Maximilien Fervac se rendait chez le
maréchal-ferrant lorsque, découvrant son foulard rouge, une jeune baronne le
mena dans un bosquet où le froid fut moins vif que le tempérament du sergent
des Gardes-Françaises.
    Nicolas Louvet, qui ambitionnait de voir de
plus près l’atelier royal des presses installé au château, fut, pour sa part, harponné
par une vieille comtesse qui n’avait pour elle ni la jeunesse ni la beauté mais
l’avantage d’être comtesse et d’étendre à des classes sociales élevées l’entendement
que le jeune homme avait de la société.
    Quant à monsieur de Bois-Brûlé, lâché au
milieu des dames aux perruques poudrées, il provoqua scènes et horions puisqu’on
se l’arracha jusqu’à ce que le malheureux, titubant de fatigue, n’aspirât plus
qu’à une chose : affronter ces messieurs de la Fronde en un combat tout de
même plus régulier.
    Enfin, le général-comte de Nissac ne remarqua
pas même comme, sur son passage, on s’évanouissait avec ostentation. Il faut
dire qu’entre Mathilde de Santheuil qu’il aimait et Charlotte de La
Ferté-Sheffair, duchesse de Luègue, qu’il ne pouvait s’empêcher de désirer, il
se sentait sur des charbons ardents.
    D’autant qu’il se trouvait sans nouvelles de
la première quand on lui avait signalé que la seconde gardait la chambre, refusait
toute nourriture et risquait de dépérir, à la consternation de son entourage et
des dizaines de seigneurs qui, à la Cour, étaient épris d’elle et ne
comprenaient

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