Les foulards rouges
cou.
Pour sa haute tenue, il admira d’abord un
colonel appartenant à l’élite de l’armée, la compagnie lourde des gendarmes de
la maison militaire du roi, Melchior Le Clair de Lafitte.
À son côté, un capitaine d’artillerie, Sébastien
de Frontignac. Puis venait un bel homme, Maximilien Fervac, lieutenant aux
Gardes Françaises. On remarquait également un géant noir, haut d’une toise, aux
épaules larges comme une armoire de famille et au torse puissant – monsieur de
Bois-Brûlé. Enfin, un petit brun, l’air méchant et l’œil perçant comme on le
voit aux faux sauniers mais celui-là portait beaux vêtements et semblait homme
arrivé : Anthème Florenty.
L’officier du guet pensa que ces huit
personnages n’allaient point ensemble et que seules des circonstances étranges
les avaient ainsi pu réunir.
Mazarin, qui n’était point toujours patient, s’emporta :
— Mais à la fin, notre homme a disparu le
22 mars de 1649, voici trois ans, aux environs de Soissons lors de la bataille
contre les Espagnols !
« Trois années, mais quelles années ! »
songea l’officier du guet qui, rêveusement, se souvint de la Fronde des princes
faisant suite à celle du parlement. Qui, à l’époque, aurait pu deviner la suite
des événements ? Et qu’ainsi, monsieur le prince de Condé, sauveur de la
couronne et grand vainqueur des Frondeurs, se serait si fort opposé au cardinal
que celui-ci l’aurait fait mener en la prison du donjon de Vincennes, et pour
plus d’un an, en compagnie du prince de Conti et du duc de Longueville ? Les
partisans de ces adversaires d’hier, réconciliés contre Mazarin, s’étaient
alors révoltés au point que les ducs de Nemours, La Rochefoucauld, et Bouillon,
ainsi que le maréchal de Turenne et la ravissante duchesse de Longueville
furent déclarés coupables de haute trahison et criminels de lèse-majesté !
On se battait aux frontières, à La Rochelle, à
Bordeaux, en Normandie, en Bourgogne, en Dordogne et en cent autres lieux…
Le redoutable service secret mis sur pied en
trois ans par Jérôme de Galand envoyait des notes et des rapports pessimistes
et ne pouvait renverser le cours des choses malgré l’excellence de ses agents
tels l’aventurier Isaac Bartet, l’abbé Basile Foucquet et l’abbé Zongo Ondelei,
futur évêque de Fréjus.
Bientôt, Mazarin se trouvait seul et contraint
à l’exil, Anne d’Autriche, encore régente, ne pouvait résister à la pression du
parlement, de Condé, des princes, de l’ancienne Fronde, de la noblesse et du
clergé emmené par le coadjuteur.
Plus grave, Gaston d’Orléans, troisième
personnage de l’État, rejoignait la nouvelle Fronde, dite Fronde condéenne, réalisant
ainsi l’union de toutes les Frondes tant redoutée par Mazarin et ce n’est pas
le ralliement du maréchal de Turenne à la couronne qui, sur l’instant, pouvait
modifier la situation puisque le sacre de Louis XIV, roi à Saint-Denis, ne
freina point la détermination des Frondeurs.
Fin décembre 1651, le jeune Louis XIV
rappelait Mazarin de son exil en la principauté épiscopale de Liège mais Paris
retombait en les bras de la Fronde, obligeant le roi à quitter sa capitale.
Avec la Fronde condéenne, on entrait dans la
guerre civile totale.
La voix du cardinal, douce mais où perçait une
menace, tira l’officier du guet de sa rêverie.
— Ainsi, vous ne voulez point répondre ?
Un vieil homme fit un pas en avant et s’inclina
bas.
— Votre Excellence… Nous, nous l’appelions
« L’homme sans nom », car il ne le savait pas lui-même. Il nous était
arrivé un matin, mourant, dans la charrette de la mère Hoarau, une vieille
folle que dieu ou diable a rappelée à lui depuis lors. Le fait est qu’elle l’a
guéri. Il marqua reconnaissance en se louant alentour pour les rudes travaux et
ramenait l’argent à la vieille qui le traitait comme un fils. C’est un homme
très solide, peu bavard, au corps couvert de cicatrices. Quand la vieille
Hoarau mourut, il se trouva seul et perdu. Mais il continua à travailler. Il ne
s’enivrait point et, bien qu’il fût bel homme, n’alla jamais aux gueuses et
ribaudes. Il aidait parfois… Ah, il faut bien le dire en sa faveur, que Son
Excellence me pardonne, mais il aidait souvent sans demander salaire lorsque
dans une famille pauvre le père venait à mourir ou que le fils partait soldat. Avant…
Avant sa révolte, il était très aimé bien
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