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Les foulards rouges

Les foulards rouges

Titel: Les foulards rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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la couleur mais
il ne s’en sépare jamais, même lorsque pris de folie, chaque matin, il se lave
à grande eau, qu’on soit en beau matin d’été ou en plein hiver ! Ah, quelle
tristesse ! Même quand il gèle, l’homme s’asperge de seaux d’eau pour sa
toilette sans regarder au froid qui fait éclater les pierres.
    — C’est lui ! dirent en chœur et en
se congratulant les barons de Frontignac et Le Clair de Lafitte, monsieur de
Bois-Brûlé, le lieutenant Fervac et Florenty.
    Le Clair de Lafitte, dont les mains
tremblaient, expliqua au cardinal :
    — Votre Éminence, un seul se lave ainsi
chaque jour même en plein hiver et c’est le comte de Nissac, qui a gardé son
foulard rouge.
    — Je savais cette étrange habitude, colonel !
répondit le cardinal qui poursuivit pour lui-même : C’est lui, mais
comment est-il arrivé ici, en cette situation misérable ?
    Le prêtre, ravi de la bonne impression qu’il
avait produite sur le cardinal et qui escomptait des retombées pour sa paroisse,
se décida à livrer un dernier détail qui, visiblement, lui coûtait et qu’il eût
sans doute, nonobstant l’enjeu, préféré garder par-devers lui :
    — Il se peut qu’une chose encore vous
permette d’identifier l’homme que vous cherchez, Votre Éminence.
    — Eh bien, parlez, l’abbé !
    — C’est qu’elle risque de vous…
    Cette fois, le ton de Mazarin se fit cinglant :
    — Parlez !
    — Certes, la morale chrétienne y trouve
beaucoup à redire et moi-même demandai à « L’homme sans nom » d’ôter…
cette chose ! Mais il refusa. Voyez-vous, Votre Éminence, « L’homme
sans nom » porte étrange brassard de soie et dentelle rouge qui me laissa
longtemps songeur. Un jour qu’il travaillait le torse nu, au plus fort de l’été,
voyant ce brassard contre la peau de son bras, je compris… C’est là jarretière
de femme sans doute follement aimée en sa vie ancienne…
    Il achevait à peine sa phrase que la baronne
Mathilde de Santheuil, soulevant des deux mains le bas de sa robe pour aller
plus vite, sortit en courant, bientôt suivie de tous les autres, le cardinal de
Mazarin, Premier ministre du royaume des lys, jouant des coudes avec les rudes
Foulards Rouges.

38
    Un fort contingent de soldats attendaient
devant une grotte située à proximité de la ville. Les militaires avaient
entassé fagots et résine, n’attendant plus qu’un ordre pour enfumer « L’homme
sans nom » et la vieille femme qu’on disait sorcière.
    Cette fois, cependant, on ne semblait pas
disposé à prendre de risques avec une aussi fine lame que « L’homme sans
nom » : lorsque, étouffant, le couple sortirait, il tomberait sous le
feu d’une quinzaine de mousquets qui formaient demi-cercle devant l’entrée de
la grotte.
    Surpris, les soldats tournèrent la tête en
voyant arriver le lourd carrosse du cardinal mais c’est en toute hâte qu’ils
plièrent bagage et s’enfuirent lorsque le colonel-baron Le Clair de Lafitte les
dispersa sans ménagement avec sa compagnie de cavalerie lourde.
    Aussitôt, un dispositif bien différent
remplaça celui des soldats en fuite.
    Les ténèbres
régnaient à l’intérieur de la grotte, à peine voyait-on un mince filet de
lumière filtrant de l’entrée.
    La veuve Pesch et « L’homme sans nom »,
assis sur le sol, se regardèrent :
    — Je crois que tout ce fracas, dehors, est
pour nous. Tu vois, en te tirant du bûcher, je n’ai point sauvé ta vie et en
suis bien désolé.
    La vieille femme serra dans les siennes les
fortes mains de l’homme sans passé où les rudes travaux des champs avaient
formé des cals :
    — C’est pour toi, que j’ai grande
inquiétude ! Toi, tu es jeune encore !… Quelle folie d’avoir sauvé
des flammes ma vieille carcasse !
    « L’homme sans nom » la regarda, essayant
de percer l’obscurité :
    — Tu t’y entends dans l’art des plantes, comme
la vieille Hoarau qui me ressuscita des morts voici trois années. Mais tu n’es
point sorcière, pas davantage qu’elle ne le fut.
    — Eh bien encore ?
    — Eh bien, c’est là grande injustice qui
t’était faite que de t’accuser à tort.
    — Mais tout est injustice ! dit la
veuve Pesch en haussant le ton.
    « L’homme sans nom » secoua la tête
dans les ténèbres.
    — Est-ce là raison suffisante pour ne
point vouloir changer les choses ?
    La vieille femme serra plus fort encore les
mains de « L’homme sans

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