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Les foulards rouges

Les foulards rouges

Titel: Les foulards rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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de
Nicolas Louvet la jetait dans un sac mais, comme il allait procéder de
semblable manière avec le comte de Nissac, on vit chose très extraordinaire, très
belle et d’une grande noblesse. Menés par leur vieux général, huit cents
Espagnols casqués, tous vétérans, avancèrent en frappant en cadence leur
fourreau avec leur épée, dans un roulement infernal et angoissant d’orage
métallique.
    Sans doute marquaient-ils ainsi leur
désapprobation, mais il convenait d’y voir autre chose encore. Jugeant les
Frondeurs indignes de l’épée, les soldats et officiers espagnols bastonnèrent
leurs alliés avec les fourreaux, comme on disperse une réunion de laquais.
    Puis, s’étant assurés du départ des partisans
de la Fronde, le vieux général espagnol et ses soldats battirent en retraite
car on signalait l’approche d’une avant-garde de la cavalerie du maréchal du
Plessis-Praslin.
    Cependant, à son arrivée celle-ci ne découvrit
que le corps décapité et la tête abandonnée de Nicolas Louvet. Malgré tous les
efforts de l’armée royale, et bien qu’on eût fouillé le champ de bataille tard
dans la nuit à la lueur de lanternes et de torches, on ne trouva nulle trace du
corps du comte.
    Quoiqu’un doute subsistât, on admit que les
Frondeurs, sans doute revenus sur leurs pas, avaient récupéré le cadavre de
Loup de Pomonne, comte de Nissac et général en l’artillerie royale avec pour
dessein de le livrer à Beaufort et ses puissants amis.
    Le royaume des lys
vivait une accalmie mais les plus avisés savaient que celle-ci précédait une
tempête d’une terrifiante violence et qui a nom guerre civile.
    L’Écorcheur ne se manifestait plus, sans doute
rassasié pour quelque temps bien qu’il chérît toujours, sans plus s’en donner
les moyens, l’idée de retrouver celle dont il rêvait sans savoir qu’elle s’appelait
Mathilde de Santheuil.
    Mazarin, quoique sa pingrerie fût connue de
tous, offrit une prime de vingt mille écus, somme absolument considérable, pour
qui lui ferait savoir où se trouvaient enfouis les restes du comte de Nissac.
    Le baron de Frontignac, en grand chagrin, rejoignit
l’armée régulière avec le grade de capitaine. Le loyal baron Le Clair de
Lafitte fut fait colonel à la compagnie lourde des gendarmes de la maison
militaire du roi, uniquement composée de gentilshommes, ce qui était grand
honneur, mais n’apaisa point sa peine. Fervac reçut mille écus et fut nommé
officier, étant élevé pour « bravoure extrême devant l’ennemi » au
grade de lieutenant aux Gardes Françaises. Mais, bien qu’il accédât ainsi à un
rang social inespéré et qu’il eût retrouvé la jolie Manon qui persista à vendre
ses charmes aux vieux bourgeois, le beau lieutenant Maximilien Fervac devint un
homme irascible et sans joie.
    Anthème Florenty retourna en Touraine et, avec
ses mille écus, acheta belle ferme et nombreux bétails. Il se maria dans les
mois qui suivirent. Chaque 22 mars, jour de la mort du comte de Nissac, il noua
un foulard rouge autour de son cou et, bien qu’il fût sans-dieu, entra en l’église
à cheval pour jeter gerbe de roses au pied du maître-autel.
    Monsieur de Bois-Brûlé se mit à boire pendant
des mois pour noyer sa peine car, à bien réfléchir, nul, jamais, ne lui avait
manifesté amitié plus solide et discrète que le feu comte de Nissac qui, pas
une fois, ne l’avait tutoyé.
    Lorsque le guet ramassait le géant ivrogne, un
ordre arrivait aussitôt de monsieur de Galand stipulant qu’il fallait le
relâcher sur l’instant. Un jour, monsieur de Bois-Brûlé parvint à secouer sa
tristesse. Ses mille écus offerts par Mazarin se trouvaient entamés mais il lui
en restait suffisamment pour acheter un minuscule logis rue du
Crucifix-Saint-Jacques. Cependant, monsieur de Bois-Brûlé décida de ne plus
jamais remonter sur les planches : ce qu’il avait vécu dépassait en
intensité les pauvres drames écrits pour les estrades de foire.
    Charlotte de La Ferté-Sheffair, duchesse de
Luègue, accoucha d’un magnifique bébé mais, en son troisième mois, le
nourrisson fut étouffé par main criminelle. Il fut dit que l’ordre venait de
Mazarin qui ne supportait point l’idée qu’une duchesse ayant sympathies pour la
Fronde mît au monde un enfant de son seul ami, le comte de Nissac. Il n’en
était rien, puisque l’ordre venait du duc de Beaufort qui se vengeait ainsi
avec grande vilénie, mais la chose

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