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Les foulards rouges

Les foulards rouges

Titel: Les foulards rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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nom ».
    — Tu es bien le fou qu’on dit par tout le
pays !… Tuer tous ces soldats pour une misérable vieille femme en parlant
de justice !… À présent, c’est toi qu’ils vont tuer. Ils vont te prendre ta
vie.
    — Quelle vie ? Je ne sais pas qui je
suis, ni d’où je viens. Parfois, des visages d’un lointain passé me reviennent
en mémoire mais je ne peux mettre aucun nom sur ces inconnus. C’est une douleur
au cœur et à l’âme, cette certitude que ma pauvre tête n’est plus utile à rien.
    — Est-ce donc ta blessure, cette
cicatrice à la tempe ?
    — Je le crois ; une balle m’a
labouré l’os du crâne, mais sans y pénétrer, me semble-t-il. Ah, je pense avoir
vu bien des blessures, en bien des batailles mais quand, en quels lieux ?
    — Tu as été soldat. Et le meilleur. Vois
comme tu tiens une épée, on penserait que tu es né avec. Aucun de tous ceux que
tu as tués n’est ton égal, sinon, ils ne seraient point morts. Ton bras est
tenu par Dieu et tous les anges, peut-être par saint Michel qui terrassa le
dragon.
    « L’homme sans nom » sourit dans l’obscurité.
    — Mes dragons étaient piètres soldats, mais
Dieu ait tout de même leurs âmes.
    Brusquement, ils dressèrent l’oreille. Une
voix assourdie leur venait de l’extérieur. Quoique lointaine, elle éveilla
quelque chose de familier chez « L’homme sans nom » qui saisit son
épée et se leva en disant :
    — Reste ici, je vais voir.
    — Non, ne me laisse pas.
    « L’homme sans nom » soupira :
    — L’âge ne t’a donc point appris la
prudence ?
    La vieille femme haussa les épaules.
    — La prudence !… C’est toi qui
parles de prudence !…
    Ils se dirigèrent vers l’entrée de la grotte.
    Tout ce qui suivit
correspondait au vœu d’une femme follement amoureuse qui, graduant les effets, voulait
à toute force mettre le plus de chances possibles de son côté et restituer la
mémoire à celui qu’elle pensait être le comte de Nissac.
    « L’homme sans nom » et la veuve
Pesch clignèrent les paupières au sortir de la grotte, éblouis par la vive
lumière de l’extérieur.
    Puis, pris d’une irrésistible curiosité,
« L’homme sans nom » s’approcha du cardinal qui, ému, murmura :
    — Bienvenue, Loup de Pomonne, comte de
Nissac !
    « L’homme sans nom » répéta
plusieurs fois « Nissac » avec une expression de profonde douleur sur
le visage, comme s’il cherchait désespérément à se souvenir, à saisir ce qui
lui était familier et pourtant lui échappait.
    Puis, sortant d’une quadruple haie de
gendarmes de haute taille qui dissimulaient toutes choses derrière eux, cinq
hommes s’alignèrent devant lui et tous portaient semblable foulard rouge autour
du cou.
    Ils se présentèrent à tour de rôle :
    — Melchior Le Clair de Lafitte !
    — Sébastien de Frontignac !
    — Maximilien Fervac !
    — Anthème Florenty !
    — César de Bois-Brûlé !
    Tel un enfant perdu, « L’homme sans nom »
allait de l’un à l’autre, serrant une main, une épaule, et répétant sur un ton
oscillant entre allégresse et désespoir :
    — Je vous connais !… Je vous connais !…
Tous, je vous connais !…
    Sortant de la double haie de gendarmes, un
écuyer amena un haut cheval noir âgé de trois ans. « L’homme sans nom »
le scruta attentivement, hésita longuement, puis lui flatta l’encolure et
sourit :
    — Et toi, j’ai dû connaître ton père…
    Ces visions qui se succédaient si vite
troublaient grandement « L’homme sans nom », conscient qu’elles
appartenaient à un monde perdu, oublié, englouti, mais qui devait former un
tout enfoui moins profondément qu’il ne se l’était imaginé, peut-être à fleur
de mémoire.
    Par instants, il observait le grand cheval
noir ou jetait des regards d’homme traqué au cardinal et aux Foulards Rouges
qui tous tentaient de sourire et le plaignaient secrètement tant sa souffrance,
déchirante, faisait peine à voir tandis qu’il semblait impossible d’y porter
remède.
    Un page apporta alors une épée qui fascina l’homme
sans nom. C’était une très belle arme, particulière, car on pouvait voir sur la
garde armoiries semblables à celles de la bague qu’il portait au doigt et qu’en
outre la lame, faite à Tolède, constituait elle aussi grande rareté. « L’homme
sans nom » prit l’épée en main, zébra l’air à plusieurs reprises en
quelques

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