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Les foulards rouges

Les foulards rouges

Titel: Les foulards rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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gestes d’une grande élégance.
    Une vision floue lui venait et il murmura :
    — J’eus semblable épée, en les moindres
détails, et la brisai sur mon genou pour que nul ne l’utilise après… après ma
mort !
    « L’homme sans nom » réfléchit. Ce
souvenir, à n’en point douter, il le datait comme étant le tout premier qu’il
eut retrouvé concernant la période jusqu’ici oubliée.
    Halluciné, il poursuivit, tandis que les
autres prêtaient l’oreille :
    — Ils étaient très nombreux… Il en venait
de partout… Un compagnon était à mes côtés mais Dieu, qu’ils étaient nombreux !…
Impossible de résister à une telle multitude…
    Puis, ce fut comme un éblouissement.
    Elle arrivait d’un autre côté et se trouvait
brusquement devant lui, à contrejour, les cheveux nimbés de doré et de bleu.
    Il reconnut sa silhouette, la taille fine, les
hanches généreuses mais ne distinguait toujours pas son visage. En revanche, il
éprouva un pincement au cœur en saisissant le chapeau qu’elle lui tendait.
    Il s’agissait d’un feutre marine au bord
rabattu, au côté duquel se voyait une plume rouge et une autre blanche dont l’heureuse
mais agressive harmonie rappelait tout à la fois la violence et la douceur, l’eau
et le feu, toutes choses qui voisinaient en l’âme tourmentée du seigneur de
Nissac.
    On n’avait jamais vu deux fois telle coiffure
en le royaume des lys et même « L’homme sans nom » ne pouvait ignorer
cela : le feutre marine, ou son semblable, lui avait appartenu, il n’en
douta pas un instant. En d’autres circonstances, sans doute eût-il concentré
toute son attention sur cette question mais déjà, il ne s’y intéressait plus
guère, cherchant le visage de la femme qui se trouvait devant lui, un visage
que lui dissimulait toujours le soleil auquel il faisait face.
    — Loup, mon beau seigneur, j’ai toujours
pensé que nous nous reverrions un jour, dans un matin bleu et ensoleillé…
    La voix le pétrifia.
    Lentement, la jeune femme se déplaça et il
découvrit enfin ses traits, ce visage qu’il n’avait jamais oublié.
    — Mathilde !
    Dates, visages, lieux se bousculaient en son
esprit fiévreux. À une vitesse qui lui donna le vertige, et en un temps qui n’excéda
point quelques secondes, des milliers de choses reprirent leur place ancienne. Passé,
souvenirs, situations, cours de la pensée, tout s’ordonna de sorte que cette
longue éclipse de trois années se dissolvait comme un parfum délétère au
contact de l’air.
    Il était Loup de Pomonne, comte de Nissac, lieutenant-général
d’artillerie en l’armée royale, chef des légendaires Foulards Rouges et
caressait avec le duc de Salluste de Castelvalognes, général des jésuites, l’idée
de changer le monde, de donner un sens à toutes ces pauvres vies croisées
depuis le jour de sa naissance, voilà quarante et un ans.
    Mais enfin, mais surtout, il était l’amant
comblé de la plus belle des femmes, la plus tendre et la plus sensuelle, la
plus émouvante aussi, celle qu’il chérissait bien davantage que sa pauvre vie :
Mathilde de Santheuil, son grand, son unique amour.
    Il fit un pas vers la jeune femme.
    — Mathilde, ma tendre amie, mon doux
amour, il n’est de jour en la pauvre prison de mon esprit perdu en les limbes, pendant
tout cet affreux naufrage de ce que j’avais été, où je n’ai songé à vous, vous
croyant un merveilleux songe illuminant la vie d’un malheureux manouvrier et
cependant, je n’ai cessé de vous aimer.
    Il prit les mains de Mathilde et tomba à
genoux devant elle.
    Cette scène d’une grande beauté et d’une rare
galanterie qui rappelait les temps anciens de la chevalerie bouleversa tous
ceux qui la virent et, pour lui-même, le cardinal murmura :
    — Comte de Nissac, au plus fort de ta
détresse, de l’abandon de tous et de ta perdition, tu as conservé dignité, courage
et noblesse. Un jour, je ferai de toi le plus jeune maréchal de France !
    Melchior Le Clair de Lafitte, auquel l’émotion
fit un instant oublier à qui il s’adressait, répondit :
    — Qu’on lui donne le bonheur auquel il
aspire, et ce sera justice !
    Mazarin lui adressa un regard foudroyant :
    — Colonel, la justice, c’est à la pointe
de l’épée, qu’on l’impose. Et d’épée, je n’en connais point de meilleure en
tout le royaume de France que celle du comte de Nissac.

39
    La mer battait les
hauts remparts du château des

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