Les Frères Sisters
persuadé, et tu sais pourquoi  ? Un de ces trappeurs affirme tâavoir vu courir dans le couloir en la tenant sous le bras. Jâai demandé à Mayfield de fouiller nos chambres et nos bagages mais il a répondu quâil ne sâabaisserait pas à une chose pareille. Il a murmuré quelque chose à sa pute et elle a déguerpi. Elle est partie chercher les trappeurs, jâimagine.  » Il sâapprocha de la fenêtre, et regarda la route principale en contrebas. «  Cela me met hors de moi, quand je pense quâils nous ont joué un tel tour. Si je ne me sentais si faible jâirais les trouver de ce pas.  » Il leva les yeux vers moi. «  Et toi, mon frère  ? Es-tu en état de te battre  ?
â Pas vraiment.  »
Il plissa les yeux, et demanda, «  Quâest-ce que tu as sous ton manteau  ?
â Un cadeau de la fille.
â Y a-t-il une parade de prévue  ?
â Câest juste un morceau dâétoffe, pour me souvenir dâelle. Une
bomboniera,
comme dirait maman.  »
Il eut un claquement de langue. «  Tu ne devrais pas le porter, dit-il avec fermeté.
â Câest un tissu très cher, je pense.
â La fille sâest moquée de toi.
â Câest quelquâun de sérieux.
â Tu as lâair dâune oie qui a gagné un premier prix.  »
Je détachai lâétoffe, lâenlevai, puis la pliai soigneusement. Je décidai de la garder, mais de ne la contempler que quand je serais seul. «  Qui a pris cette satanée fourrure  ?  » dit Charlie. Il se retourna vers la fenêtre, frappa au carreau, et dit, «  Ha, nous y voilà .  »
Je le rejoignis à la fenêtre et vis la catin que jâavais aperçue gisant sur le sol du salon en pleine discussion avec le plus grand des trappeurs. Il se tenait debout à lâécouter, en train de rouler une cigarette et il hochait la tête  ; lorsquâelle eut fini, il lui dit quelque chose, et elle repartit en direction de lâhôtel. Je la suivis du regard jusquâà ce quâelle eût disparu de mon champ de vision, puis je me tournai à nouveau vers le trappeur, qui nous avait repérés à la fenêtre, et nous observait sous les bords mous de son chapeau pointu. «  Mais où diable est-ce quâon trouve un chapeau pareil  ? sâinterrogea Charlie. Ils doivent les fabriquer eux-mêmes.  » Le trappeur alluma sa cigarette, souffla une volute de fumée, et sâéloigna. Charlie se frappa la cuisse et cracha. «  Je déteste devoir le dire, mais ils nous ont eus. Donne-moi tes pièces, et je vais rendre les miennes aussi.
â Si tu rends notre argent, tu reconnais quâon est coupables.
â Câest notre seule option. Sinon il faut se battre ou sâenfuir, ce que nous ne sommes pas en état de faire. Allez, donne-les moi.  » Il sâavança vers moi en tendant la main. Je feignis de fouiller mes poches, triste pantomime que Charlie perça à jour. Il gratta son cou mal rasé et dit, «  Tu as donné ton argent à la femme, câest ça  ?
â Câétait mon argent. Que jâavais gagné de mes propres mains. Et ce quâun homme fait de son argent ne regarde que lui.  » Me souvenant du poing fermé avec lequel la catin qui sortait de chez lui sâétait couvert la bouche, jâajoutai, «  Et toi, tu nâen aurais pas donné aussi, des pièces  ?
â Tu sais, je nây avais pas pensé.  » Il fouilla sa bourse et rit avec amertume. «  Et Mayfield avait dit que câétait la maison qui offrait.  »
Des cris nous parvinrent du salon. Le son dâune clochette résonna, et le bruit dâun verre brisé retentit.
«  Jâespère que tu ne comptes pas payer lâhomme avec nos propres sous, dis-je.
â Non, je ne suis pas enclin à ce point à me faire des amis. Laisse-moi rassembler mes affaires, puis on ira chercher les tiennes. On sortira par ta fenêtre en espérant ne pas se faire remarquer. Nous nous battrons sâil le faut, mais je préférerais attendre demain, quâon ait retrouvé tous nos moyens.  » Le sac dans la main, il parcourut la chambre du regard
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