Les Frères Sisters
et demanda, «  On a tout  ? Câest bon  ? Allons-y. Traversons le couloir dans un silence dâor.  »
Silence dâor, songeai-je, tandis que nous marchions à pas de velours en direction de ma chambre, saisi par la dimension poétique de la formule.
Â
Nous passâmes par la fenêtre de ma chambre et nous faufilâmes sur la corniche qui surplombait le trottoir, ce qui sâavéra commode, car Tub et Nimble étaient dans une écurie qui jouxtait lâhôtel, et nous parcourûmes de la sorte la distance qui nous en séparait sans quâune âme ne nous remarquât. à mi-chemin, Charlie fit halte derrière un panneau tout en hauteur pour observer le plus grand des trappeurs appuyé contre une barre dâattache en contrebas. Puis les trois autres arrivèrent et chacun, dans le cercle ainsi formé, se mit à parler dans sa barbe sale. «  Ils terrorisent sans doute les blaireaux du coin, dit Charlie, mais ces types sont tout sauf des tueurs.  » Il désigna le chef. «  Câest lui qui a volé la peau, jâen suis sûr. Si on doit se battre, je mâoccuperai de lui. Tu verras que les autres détaleront au premier coup de feu.  »
Les hommes se dispersèrent et nous poursuivîmes notre chemin jusquâau bout de la corniche. Puis nous sautâmes à terre et nous glissâmes dans lâécurie, où je trouvai le palefrenier aux dents de lapin debout près de Tub et Nimble, en train de les regarder stupidement. Il sursauta au son de nos voix et ne fit aucun effort pour nous aider à harnacher nos chevaux, ce qui aurait dû éveiller mes soupçons, mais jâétais trop préoccupé par lâidée de fuir pour analyser clairement la situation. Charlie et moi étions en train dâattacher nos sacoches quand les quatre trappeurs sortirent sans bruit de la stalle derrière la nôtre. Lorsque nous les entendîmes, il était trop tard. Ils nous avaient cueillis à froid et les canons de leurs pistolets étaient braqués droit sur nos cÅurs.
«  Vous comptez quitter Mayfield  ? demanda le plus grand des trappeurs.
â Oui, nous partons  », dit Charlie. Je ne savais pas comment il pensait procéder, mais il avait pour habitude de faire craquer ses index avec ses pouces juste avant de dégainer, et je restai à lâaffût, les oreilles grandes ouvertes.
«  Vous ne partirez pas sans rendre lâargent que vous devez à monsieur Mayfield.
â Monsieur Mayfield, dit Charlie. Le patron bien-aimé. Dites-moi, vous le bordez aussi, tous les soirs  ? Et vous lui réchauffez les pieds avec vos petites mains pendant les longues soirées dâhiver  ?
â Cent dollars, ou je vous descends. De toute façon, je finirai sans doute par vous tuer. Vous pensez que je suis lent avec cette fourrure et ce cuir, mais bientôt vous vous rendrez compte que je suis beaucoup plus rapide que ce que vous croyiez. Et ne soyez pas surpris lorsque mes balles vous transperceront le corps.  »
Charlie dit, «  Vous êtes lent, trappeur, mais ce nâest pas à cause de votre accoutrement. Câest votre esprit, le coupable. Car à mon avis, vous êtes aussi bête que les animaux que vous traquez dans la boue et la neige.  »
Le trappeur rit, ou fit semblant de rire, en se donnant un air de légèreté et de bonne humeur. Il fit, «  Je vous ai entendu vous saouler hier soir et je me suis dit que pour ma part, je ne boirais pas une goutte au cas où jâaurais à vous tuer ce matin. Et maintenant câest le matin et je vous demande pour la dernière fois  : allez-vous rendre lâargent, ou la fourrure  ?
â Tout ce que vous obtiendrez de moi, câest la Mort.  » Charlie prononça ces mots tout naturellement, comme sâil parlait de la pluie et du beau temps  ; un frisson parcourut ma nuque, et mon pouls sâaccéléra. Il est merveilleux dans de telles situations, il garde son sang-froid et ne manifeste pas lâombre dâune crainte. Il avait toujours été comme ça, et même si je lâavais vu à lâÅuvre à de nombreuses reprises, jâétais néanmoins chaque fois rempli dâune admiration intacte.
«  Je vais vous descendre, dit le trappeur.
â Mon
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