Les Frères Sisters
là -bas.
â Quâentendez-vous par âà la poursuiteâ  ?
â Il a fait quelque chose de mal et nous avons été engagés pour le faire payer.
â Mais vous nâêtes pas des hommes de loi.
â Nous sommes tout le contraire.  »
Elle devint pensive. «  Ce Warm est-il vraiment un homme mauvais  ?
â Je ne sais pas. La question nâest pas claire. On dit que câest un voleur.
â Quâa-t-il volé  ?
â Ce que les gens volent habituellement. De lâargent, sans doute.  » Jâavais honte de mentir ainsi, et je cherchai du regard quelque chose qui pût me changer les idées, sans succès. «  Pour être honnête, en fait, il nâa probablement rien volé du tout.  » Elle baissa les yeux et je lâchai un petit rire en ajoutant, «  Je ne serais pas du tout surpris dâapprendre quâil est parfaitement innocent.
â Et vous partez souvent à la poursuite dâhommes que vous croyez innocents  ?
â Chaque affaire est différente.  » Soudain, je nâavais plus envie de parler de cela. «  Je nâai plus envie dâen parler.  »
Ignorant ce que je venais de dire, elle demanda, «  Vous aimez votre travail  ?
â Ãa dépend. Parfois, câest une simple escapade, mais dâautres fois câest un véritable enfer.  » Je haussai les épaules. «  Toute tâche est rendue plus honorable si elle est salariée. Dans un sens, ce nâest pas rien dâavoir quelque chose dâaussi important que la vie dâun homme entre ses mains.
â La mort dâun homme  », rectifia-t-elle.
Jusquâalors, je nâétais pas sûr quâelle eût bien compris en quoi consistait mon travail. Je fus soulagé de mâapercevoir que si  : je nâavais pas besoin dâentrer dans les détails. «  Appelez ça comme vous voudrez, dis-je.
â Nâavez-vous jamais songé à arrêter  ?
â Si  », avouai-je.
Elle reprit mon bras. «  Que ferez-vous après vous être occupé de ce Warm  ?  »
Je lui dis, «  Jâai une petite maison à lâextérieur dâOregon City, que je partage avec mon frère. Le paysage est joli, mais la maison est exiguë et pleine de courants dâair. Je voudrais déménager, mais je nâarrive pas à trouver le temps pour repérer un autre endroit. Charlie a beaucoup de fréquentations peu respectables. Ce sont des gens qui se couchent à nâimporte quelle heure.  » Mais comme la femme semblait sâagacer de ma réponse, je poursuivis  : «  Que me demandez-vous au juste  ?
â Jâespère vous revoir.  »
Ma poitrine sursauta comme si jâavais reçu un coup, et je songeai, Je suis un parfait nigaud. «  Votre souhait sera exaucé, promis-je.
â Si vous partez, je ne crois pas que je vous reverrai un jour.
â Je reviendrai, je vous le promets.  » Cependant, la femme ne me crut pas, ou ne me crut quâen partie. Levant les yeux sur moi, elle me pria dâenlever mon manteau, ce que je fis, et elle sortit de ses vêtements une longue soie dâun bleu éclatant, quâelle attacha autour de mon épaule en faisant un nÅud serré  ; puis elle recula de quelques pas pour me regarder. Elle était très triste, et belle  ; ses yeux étaient humides et ses paupières alourdies par les poudres et les charmes immémoriaux. Je posai mes mains sur lâécharpe mais les mots me manquèrent.
Elle me dit, «  Portez-la toujours comme ça, et quand vous la verrez vous vous souviendrez de moi et de votre promesse de revenir me voir.  » Elle caressa lâétoffe, et sourit. «  Votre frère sera-t-il très jaloux  ?
â Je crois quâil voudra que je lui raconte tout.
â Nâest-elle pas magnifique  ?
â Câest très chatoyant.  »
Je remis mon manteau et le boutonnai pour protéger la soie. Elle sâapprocha et mâenlaça  ; posant son visage sur mon cÅur, elle écouta ses battements frénétiques. Puis elle prit congé, se tourna et sâengouffra dans lâhôtel, mais jâeus
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