Les Frères Sisters
frère va compter, dit Charlie. Quand il arrive à trois, on tire.  »
Le trappeur hocha la tête et rengaina son pistolet. «  Il peut compter jusquâà cent si ça lui chante  », dit-il en ouvrant et en fermant la main pour la détendre.
Charlie fit une grimace. «  Comme câest idiot de dire ça. Vous ne pourriez pas trouver autre chose  ? Les dernières paroles dâun homme se doivent dâêtre plus dignes.
â Je parlerai toute la journée et jusque tard dans la nuit, et je raconterai à mes petits-enfants la fois où jâai tué les célèbres frères Sisters.
â Voilà qui est mieux. Ãa fera aussi un détail cocasse à raconter.  » à mon attention, Charlie ajouta, «  Il va nous tuer tous les deux maintenant, Eli.
â Jâai été heureux ces derniers jours, à voyager et à travailler avec toi, répondis-je.
â Mais lâheure des adieux a-t-elle vraiment sonné  ? demanda-t-il. Si tu observes attentivement cet homme, tu verras que son cÅur nây est pas. Regarde comme sa peau brille. Quelque chose en lui tente de le prévenir de son erreur.
â Comptez, que diable  ! dit le trappeur.
â Voilà lâépitaphe quâon mettra sur votre tombe, dit Charlie, qui fit bruyamment craquer ses doigts. Compte jusquâà trois, mon frère, lentement et distinctement.
â Vous êtes prêts, tous les deux  ? demandai-je.
â Je suis prêt, dit le trappeur.
â Prêt, dit Charlie.
â Un  », dis-je, et Charlie et moi fîmes feu, quatre balles tirées simultanément, et dont chacune atteignit sa cible, en pleine tête. Les trappeurs sâeffondrèrent sur le sol, pour ne plus jamais se relever. Câétait une tuerie parfaite, la plus propre et la plus efficace dont je me souvienne, et à peine étaient-ils tombés que Charlie éclata de rire, tout comme moi, même si pour ma part câétait plus par soulagement quâautre chose, tandis quâà mon avis, Charlie était ravi pour de vrai. Ce nâest pas suffisant dâavoir de la chance, pensai-je. Un homme se doit dâavoir lâesprit équilibré sâil veut garder son calme dans une situation où la plupart des êtres sont tout sauf sereins. Le trappeur avec la barbe dâun noir de geai haletait encore, et je mâavançai vers lui, pour le regarder de plus près. Il semblait déconcerté, et ses yeux allaient et venaient en tous sens.
«  Câétait quoi, ce bruit  ? demanda-t-il.
â Câétait une balle qui vous a atteint.
â Une balle mâa atteint  ? Où ça  ?
â Dans la tête.
â Je ne sens rien. Et je nâentends presque rien. Où sont les autres  ?
â Allongés à côté de vous, avec une balle dans la tête aussi.
â Câest vrai  ? Est-ce quâils parlent  ? Je ne les entends pas.
â Non, ils sont morts.
â Mais moi, je ne suis pas mort.
â Pas encore, non.
â Tch  », dit-il. Ses yeux se fermèrent et sa tête sâimmobilisa. Jâétais en train de mâéloigner lorsquâil tressaillit et rouvrit les yeux. «  Câest Jim qui voulait vous faire la peau. Pas moi.
â Dâaccord.
â Il pense que parce quâil est grand, il doit faire de grandes choses.
â Il est mort maintenant.
â Il en a parlé pendant toute la nuit. On allait écrire des livres sur nous, quâil disait. Il nâa pas apprécié que vous vous moquiez de nos vêtements, câest pour ça.
â Aucune importance à présent. Fermez les yeux.
â Vous êtes là  ? dit le trappeur. Vous êtes là  ?  » Il me regardait mais je ne crois pas quâil me voyait.
«  Fermez les yeux. Tout va bien.
â Je ne voulais pas le faire, protesta-t-il. Jim pensait quâil pourrait vous donner une leçon, et quâensuite il le raconterait à tout le monde.
â Vous devriez fermer les yeux, et vous reposer, dis-je.
â Tch, tch, tch.  » Puis la vie le quitta, et il mourut. Je retournai vers Tub et le sellai. Cette façon de «  compter jusquâà trois  »
Weitere Kostenlose Bücher