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Les Frères Sisters

Les Frères Sisters

Titel: Les Frères Sisters Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick deWitt
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dit, «   Cela dépend entièrement de la somme que vous allez m’autoriser à garder.
    â€” À garder   ?   » demanda Charlie en haussant les sourcils. Il était en train de passer en revue les tiroirs du bureau de Mayfield. «   Je croyais qu’il était clair qu’il ne vous resterait plus rien.   »
    Mayfield souffla. «   Rien du tout. Vous voulez dire absolument rien   ?   »
    Charlie me regarda. «   Ce n’est pas ce qui était prévu   ?   »
    Je répondis, «   Si je ne me trompe pas, nous avions prévu de le tuer. Maintenant que nous avons modifié ce détail, nous pouvons au moins aborder cette nouvelle question. J’avoue que cela semble cruel de le laisser sans un sou.   »
    Les yeux de Charlie s’assombrirent, et il se replia sur lui-même. Mayfield commença   : «   Vous me demandiez ce que je pensais. Eh bien, je vais vous le dire. Je me disais qu’un homme comme moi, après avoir essuyé un revers tel que celui que vous venez de m’infliger, n’a que deux possibilités pour continuer à exister. Soit il poursuit sa vie, le cœur blessé, et fait part à qui veut l’entendre de sa folle haine   ; ou bien il recommence à zéro, le cœur vide, en veillant à ne remplir, dorénavant, ce dernier que de choses dignes, afin d’alimenter son esprit ravagé et cultiver le positif.
    â€” Est-ce qu’il invente tout ça au fur et à mesure   ? demanda Charlie.
    â€” Je vais choisir la deuxième option, poursuivit Mayfield. Je suis un homme qui doit reconstruire, et la première chose à laquelle je vais travailler, c’est à être résolu. Je vais me rappeler à moi-même qui je suis, ou qui j’étais, car je crains que ma vie douillette ici ne m’ait rendu paresseux. Je dois dire que la facilité avec laquelle vous avez pris le dessus sur moi en est la preuve.
    â€” Il confond oisiveté et couardise avec paresse, dit Charlie.
    â€” Et avec cinq morts sur le carreau, ajoutai-je, il prétend qu’il nous a été facile de faire main basse sur sa fortune.
    â€” Il a du mal à trouver le mot juste   », dit Charlie.
    Mayfield continua   : «   J’espère, et je vous le dis, messieurs, sans ambages, que vous me laisserez suffisamment d’argent pour me permettre de me rendre à Oregon City, où j’ai l’intention d’aller de ce pas, afin d’anéantir ce sous-homme à la lame en forme de faux, James Robinson.   »
    Ã€ ces mots mon frère et moi fûmes traversés de la même pensée diabolique.
    Â«   C’est parfait, n’est-ce pas   ? dit Charlie.
    â€” Mais c’est trop tragique, répondis-je.
    â€” Vous protégeriez ce criminel après m’avoir fait ce que vous m’avez fait   ? lança Mayfield avec indignation. Ce n’est que justice que vous m’aidiez à arriver à mes fins. Vous allez me prendre tout ce que je possède, mais vous pourriez vous racheter, du moins en partie, si seulement vous me laissiez une portion de ma fortune.   »
    Ce discours suffisant scella son destin. Nous nous mîmes d’accord pour donner cent dollars à Mayfield, afin de lui permettre de rallier Oregon City, d’où il ne pourrait repartir, et où la première personne à qui il le demanderait, l’informerait du décès de Robinson   ; il comprendrait alors que nous étions au courant, et se rappellerait avec colère et amertume notre air amusé. Nous le payâmes avec de l’or poinçonné que nous prélevâmes directement dans son coffre qui se trouvait dans le sous-sol de l’hôtel. Devant la porte ouverte, Mayfield déclara, «   C’est la seule fois où j’ai eu de la chance dans toute ma vie. J’ai pu remplir un coffre d’or et de billets. En tout cas, la plupart des gens ne peuvent pas en dire autant.   » Il hocha la tête solennellement, mais son ton bravache céda bientôt la place à une émotion débridée   ; son visage s’affaissa, et des larmes jaillirent dans ses yeux. «   Mais, dieux du ciel, que la chance est difficile à conserver   !   » s’exclama-t-il, avant de s’essuyer le visage et de jurer avec une tranquille

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