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Les Frères Sisters

Les Frères Sisters

Titel: Les Frères Sisters Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick deWitt
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véhémence, «   Je sens que la chance m’a quitté, c’est un fait   », poursuivit-il. Il avait l’air pitoyable avec sa petite bourse dont il pinçait du doigt les cordons comme on tient une souris morte par la queue. Nous l’accompagnâmes dehors et le regardâmes rajuster ses vêtements et ses sacoches. Il donna l’impression de vouloir faire un discours, mais que les mots ne lui vinssent pas ou qu’il nous jugeât indignes de les entendre, il garda le silence. Il enfourcha le cheval et s’éloigna après nous avoir fait un bref signe de tête et jeté un regard qui disait, «   Je ne vous aime pas, vous autres.   » Nous regagnâmes le sous-sol pour compter le contenu du coffre. Nous partageâmes et empochâmes les billets dont le montant s’élevait à mille huit cents dollars. L’or s’avérant trop lourd à transporter, nous le cachâmes sous le gros poêle installé sur une palette de bois dans le coin le plus éloigné du sous-sol. Nous dûmes démonter le conduit de cheminée en étain pour déplacer le poêle, et une pluie de suie noire nous tomba dessus   ; mais quand nous eûmes fini, je me dis qu’aucune âme jamais ne trouverait notre trésor, car personne ne songerait à regarder dans un tel endroit. Il y avait pour environ quinze mille dollars de métal précieux   ; ma part multipliait par trois mes économies, et, tandis que nous remontions les escaliers pour quitter ce sous-sol crasseux et gagner la lumière, j’étais partagé entre la joie suscitée par ce coup de chance et un sentiment de vide, car mon bonheur n’était pas complet   ; ou plutôt de la peur que ma joie fût forcée ou fausse. Je songeai, Peut-être que l’homme n’est pas censé être vraiment heureux. Peut-être que cela n’existe pas dans notre monde, après tout.
    Nous parcourûmes les couloirs de l’hôtel   ; les filles de joie étaient en effervescence depuis qu’elles avaient appris que Mayfield était parti, avec une blessure à la tête, et que les trappeurs avaient disparu. J’aperçus la catin de Charlie, à peine moins verdâtre que tantôt, et la pris à part pour lui demander où était la comptable.
    Â«   On l’a emmenée chez le médecin.
    â€” Est-ce qu’elle va bien   ?
    â€” Je suppose. Ils sont tout le temps en train de l’emmener là-bas.   »
    Je glissai cent dollars dans sa main. «   Je veux que tu lui donnes ça quand elle sera de retour.   »
    Elle regarda l’argent fixement. «   Dieu du ciel tout-puissant.
    â€” Je reviendrai d’ici deux semaines. Si j’apprends qu’elle n’a pas eu cet argent, il y aura un prix à payer, tu comprends   ?
    â€” Monsieur, je ne faisais que me tenir là, dans ce couloir.   »
    Je lui tendis une pièce de vingt dollars. «   Ça, c’est pour toi.   »
    Elle glissa la pièce dans sa poche. Ses yeux se perdirent dans la direction où Charlie avait disparu, et elle dit, «   J’imagine que votre frère ne me donnera pas cent dollars, à moi.
    â€” Non, je ne crois pas.
    â€” C’est vous qui avez tout le sang romantique, c’est ça   ?
    â€” Nous sommes du même sang, mais nous n’en faisons pas le même usage.   »
    Je tournai les talons et m’éloignai. J’avais fait quelques pas quand elle me demanda, «   Et me direz-vous ce qu’elle a fait pour mériter ça   ?   »
    Je m’arrêtai, réfléchis, et répondis, «   Elle était jolie, et elle a été gentille avec moi.   »
    Ã€ l’expression du visage de cette pauvre catin, je compris qu’elle ne savait que penser de ce que je venais de dire. Elle rentra dans sa chambre, claqua la porte, et hurla par deux fois.

 
    Nous quittâmes la ville et longeâmes la rivière. Nous étions en retard de plusieurs jours à notre rendez-vous, mais aucun de nous deux ne semblait s’en inquiéter. J’étais en train de répertorier et de revivre les événements des trente-six dernières heures, quand Charlie se mit à glousser. Tub et moi allions en tête   ; sans me retourner, je lui demandai ce qu’il y avait de si

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