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Les Frères Sisters

Les Frères Sisters

Titel: Les Frères Sisters Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick deWitt
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passé ensuite   ? demandai-je, car je ne m’en souvenais pas.
    â€” Le temps de lui trouver des médicaments, de lui mettre une attelle et l’après-midi était déjà bien avancé. Et ce n’est que sur le chemin du retour que je me suis souvenu de toi.   » Il toussa. «   J’espère que tu ne t’en sens pas blessé, mon frère.
    â€” Non.
    â€” J’étais déstabilisé. Et toi, tu étais toujours dans ton petit monde imaginaire, tranquille dans ton coin. Mais comme je disais, il faisait très chaud ce jour-là. Et bien sûr, dès que je t’avais laissé, tu avais enlevé ton bonnet. Et tu étais resté là assis au soleil quatre ou cinq heures durant, avec tes cheveux clairs et ta peau blanche. Mère dormait dans le chariot, droguée, et je l’ai laissée là pour me précipiter et voir comment tu allais. Je n’avais pas pensé que tu puisses prendre un coup de soleil   : j’avais peur qu’un coyote soit passé par là et t’ait dévoré, ou que tu sois descendu à la rivière et que tu te sois noyé. Donc j’étais très soulagé de te retrouver assis là, en un seul morceau. Et j’ai dévalé la pente pour aller te chercher. Tu étais aussi rouge et brûlé qu’on puisse l’être. Tes yeux étaient injectés de sang. Tu es resté aveugle pendant deux semaines, et tu as pelé. Ta peau se détachait en lambeaux telles les couches d’un oignon. Et voilà, Eli, pourquoi tu as des taches de rousseur.   »



 
    De prime abord, je ne compris pas comment le port était organisé. Il y avait tant de navires à l’ancre que leurs mâts semblaient inextricablement emmêlés   ; des centaines de mâts, si densément assemblés qu’on avait l’impression de voir une forêt de troncs tanguer au gré de la houle. Charlie et moi nous frayâmes un chemin jusqu’au bord de l’eau   ; tout n’était que chaos autour de nous   : des hommes de tous âges et toutes races se précipitaient, criaient, poussaient, se battaient   ; des vaches et des moutons avançaient dans un sens ou dans l’autre   ; des chevaux tiraient des chariots chargés de bois et de briques sur une route boueuse jusqu’au sommet de la colline, et le martèlement des travaux résonnait depuis la ville jusqu’à la mer. Des rires fusaient, qui ne me donnaient pas l’impression d’être gais, mais me semblaient plutôt chargés d’excitation et d’agressivité. Tub était nerveux, et moi aussi. Je n’avais jamais rien vu de tel, et je me demandai comment nous allions pouvoir trouver un homme dans ce labyrinthe de rues et d’allées où tout paraissait étrange, sombre, et caché.
    Â«   Mettons-nous en quête de Morris, dis-je.
    â€” Il nous attend depuis des semaines, dit Charlie. Une heure de plus ne changera rien.   » Naturellement, mon frère
aimait
cette atmosphère, et n’était pas inquiet le moins du monde
    Bien que chargés de marchandises, de nombreux navires avaient l’air d’être de longue date à l’ancre. J’interrogeai à ce sujet un homme qui passait. Il allait pieds nus et portait un poulet sous son bras, qu’il ne cessa, durant toute notre conversation, de caresser avec amour sur la tête.
    Â«   Abandonnés par leurs équipages, nous dit-il. Quand la fièvre de l’or vous prend, il n’y a pas une seconde à perdre. Qui donc irait décharger des caisses de farine pour un dollar par jour quand résonne, tout près, l’enchanteresse mélodie des rivières   ?   » Clignant des yeux vers l’horizon il ajouta, «   Souvent, je regarde ces bateaux et j’imagine leurs armateurs incrédules en train d’enrager à New York et Boston sans pouvoir faire quoi que ce soit, et cela me réjouit. Sans indiscrétion, vous venez d’arriver à San Francisco   ? Que pensez-vous de la ville   ?
    â€” Tout ce que je puis dire, c’est que j’ai hâte de la connaître mieux   », répondit Charlie.
    L’homme dit, «   Mes sentiments pour San Francisco vont et viennent avec mes humeurs. Ou est-ce la ville qui joue sur mon moral, et, en conséquence, sur mon

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