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Les galères de l'orfêvre

Les galères de l'orfêvre

Titel: Les galères de l'orfêvre
Autoren: Jean-Christophe Duchon-Doris
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ses habits usés.
    — Je parle français, tu sais. Et je connais même un peu de latin !
    Guillaume ne répondit pas. Il s’était assis sous la mince meurtrière qui jetait un semblant de lumière sur la paille de son cachot et il essayait de comprendre. Tout cela n’avait aucun sens. Quand on l’avait arrêté et conduit en prison, il s’était décidé à révéler son identité. Mais il avait eu beau expliquer au sergent qu’il n’y était pour rien ; il avait eu beau faire état de son nom et de sa qualité et même, en désespoir de cause, évoquer le rendez-vous avec M. de Chabas, conseiller du Roi détaché auprès de la Ferme générale, l’homme s’était montré d’une curieuse fermeté.
    Il régnait dans ce cachot un froid terrible. Le moindre courant d’air s’enflait entre les pierres. Il roulait le long de galeries souterraines, grossissait en giflant le salpêtre et les anneaux rouillés. Son voisin reprit sa frappée métallique.
    — Tu as tué quelqu’un, n’est-ce pas ? Une de ces crapules de gabelou ? Le geôlier me l’a dit.
    — Je n’ai tué personne. Laisse-moi.
    — Tu l’as tué ? Tu as bien fait ! Tu as sacrément bien fait ! Mais aider un faux saunier et tuer un gabelou : c’est folie si l’on se fait prendre.
    — Laisse-moi !
    — Folie pure, l’ami. C’est la corde, ou les galères à vie si tu es gentilhomme.
    L’homme se mit à rire. Il se lissa la barbe. Sa longue main osseuse se perdait dans ses poils, montait et descendait avec des mouvements saccadés et, de l’angle où la voyait Guillaume, on eût pu la prendre pour une grosse araignée courant entre les fils de sa toile.
    — Tu es gentilhomme, n’est-ce pas ?
    Mais le prisonnier s’arrêta. Le bruit de portes qu’on déverrouillait résonnait entre les voûtes. Des pas retentirent dans le couloir. Un groupe d’archers s’avançait au milieu de la lumière des torches qui dansait au plafond.
    — Veuillez me suivre, dit le sergent en sortant son trousseau de clés. Vous êtes attendu.
    Guillaume traversa une cour carrée, serré de près par les archers. La lumière du jour l’obligeait à cligner les yeux. Ils croisèrent un groupe de jeunes soldats marchant au pas cadencé et qui, sur un ordre, s’arrêtèrent en reposant durement la crosse de leur fusil. Était-il dans une caserne ?
    Ils prirent des escaliers en pierre qui montaient vers de grands salons où flottaient des odeurs lourdes de tabac. Les meubles, les plafonds, les boiseries, étaient tout à la fois neufs et sans éclat, comme ternis. Les tapis portaient des traces de bottes. Enfin, on le fit entrer dans une sorte de bibliothèque, une haute pièce où pétillait un grand feu de bois qui jetait des reflets dorés sur les tranches des livres.
    Dans un angle, deux chandeliers posés sur une table basse éclairaient d’une lueur molle des tentures incarnates et des statues équestres aux tons de laque et de vieil or. Deux hommes s’y tenaient, dans un étonnant contraste, l’un, M. de Chabas, tout de noir vêtu, assis dans un grand fauteuil, l’autre, debout, de dos, sanglé dans un habit d’une blancheur de cygne, feignant d’être occupé à décrypter le nom des ouvrages de la bibliothèque.
    Les archers se retirèrent. Guillaume s’avança. M. de Chabas fit l’effort d’essayer de se lever mais il partit dans une quinte de toux et renonça.
    — C’est donc à vous, monsieur, que je dois cette nuit au cachot ?
    — En effet, dit M. de Chabas, vous l’avez offerte aux intérêts de Sa Majesté. Connaissez-vous M. de Montmor, l’intendant général des galères ?
    L’homme en blanc se tourna à demi et il inclina poliment la tête en plongeant son regard dans celui de Guillaume. Il avait des yeux si clairs que le jeune procureur en fut aussitôt mal à l’aise. « Une tête de chat, pensa Guillaume, ou de lion. » Tout en lui semblait incandescent jusqu’à sa chevelure d’un blond noyé de blanc, qui semblait faire son propre soleil. Que faisait-il ici ?
    Guillaume inclina à son tour légèrement la tête. Devant ces deux hommes impassibles, une grande colère commençait à le saisir. Il prit beaucoup sur lui pour qu’elle ne transparût pas dans son ton.
    — Auriez-vous l’obligeance de m’expliquer ce qui s’est passé hier soir ?
    — Oh ! dit M. de Chabas, laissons cela pour l’instant. L’essentiel n’est pas là.
    Il tendit la main jusqu’à la table basse et, en
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