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Les galères de l'orfêvre

Les galères de l'orfêvre

Titel: Les galères de l'orfêvre
Autoren: Jean-Christophe Duchon-Doris
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des archers s’avança vers eux avec la mine sévère.
    — Ignorez-vous, dit-il, que les duels sont interdits dans le royaume ?
    — Il ne s’agit pas d’un duel, répondit le barbu en s’avançant vers la lumière des torches. Je suis capitaine des gabelous.
    — Je vous connais ! dit le sergent.
    — Nous avons été agressés par cet homme. Il a blessé mon compagnon.
    — Mais pas du tout, dit Guillaume. C’est vous qui avez tenté de me tuer.
    Il hésitait à donner son nom et celui de M. de Chabas. Ce dernier ne lui avait-il pas recommandé d’être le plus discret possible ?
    — Nous étions à la poursuite de faux sauniers quand Monsieur s’est interposé.
    — Affabulations ! s’indigna Guillaume.
    La foule autour d’eux prenait parti. Ils étaient plusieurs à avoir nettement vu les faux sauniers poursuivis et l’interposition de Guillaume.
    Était-ce un piège ? Et qui le lui tendait, M. de Chabas ou ceux que celui-ci entendait poursuivre ?
    Un des archers s’était porté au secours du gabelou blessé. Il tentait de le relever mais l’homme ne bougeait plus. À la fin, il ouvrit son pourpoint et posa sa tête contre le coeur de l’homme.
    — Il est mort, dit-il en se relevant.

    2.
    M. et Mme de Saintonges possédaient à Auxerre, dans le quartier du Grand Caire, un hôtel cossu, avec de vieilles portes à bossages noirs au milieu de la pierre fendillée, une terrasse bordée de balustres de marbre et de larges fenêtres à croix de pierre. Une fois le porche franchi, on y accédait par une allée minuscule plantée de poiriers taillés en quenouille. Delphine, après un court moment de découragement, convaincue que le meilleur moyen de faire revenir au plus vite Guillaume auprès d’elle était de faire avancer l’enquête, s’était résolue à cette visite.
    Lorsque la jeune femme s’approcha de l’hôtel, des laquais hissaient du foin dans les combles et une odeur de champ flottait dans tout le bâtiment.
    — Êtes-vous sûre, Jeannette, que M. de Saintonges s’est absenté ?
    — Oui, madame, il s’en est retourné à Paris et l’on ne sait pas quand il reviendra. Marivette me l’a assuré.
    Marivette les attendait sur le perron, les mains sagement posées sur son tablier, l’oeil inquiet sautant, hip, hop, comme une pie.
    — Entrez vite, madame, dit-elle. Et dépêchez-vous, pour l’amour de Dieu.
    Elle n’avait pas été longue à convaincre. Sa place était menacée, elle le savait bien, depuis la mort de Mme de Saintonges et Delphine lui avait promis de dire un mot en sa faveur à Mme de Beaumont qui avait besoin d’une nouvelle lingère.
    Elles grimpèrent toutes les trois d’un même pas rapide les marches de l’immense escalier de marbre blanc qui menait aux étages.
    — C’était sa chambre, dit Marivette en ravalant un sanglot.
    Les fenêtres étaient soigneusement closes, fermées par des contrevents en cèdre ancien barrés de gémelles de fer. Une lumière d’un vert amande éclairait faiblement la pièce et lui donnait des allures d’épave, d’intérieur de galion rongé de coquillages et mangé par les algues.
    — N’ouvrons pas, dit Delphine. Une chandelle suffira.
    Marivette s’exécuta, revint avec un bougeoir allumé qui jetait sur les murs des dessins inquiétants. Elles s’avancèrent lentement, retenant leur souffle et leurs gestes, attentives à ne rien risquer d’irrémédiable qui pourrait déranger l’ordonnancement de la pièce, son silence et son atmosphère, et contrarier la morte qu’elles imaginaient là, quelque part, cachée dans l’ombre, une malédiction déjà au bord des lèvres.
    La lumière dansait autour d’elles et faisait sortir du néant, au hasard, des pans de l’immense chambre. Les murs étaient tendus d’un tissu à filet d’or et d’argent. Un lit houssé de bronze, frangé de soie, encadré de hauts piliers que surmontait un ciel où s’ébattaient des angelots joufflus, occupait l’essentiel de la place, posé entre un cabinet à tiroirs multiples tout incrusté d’ivoire et un grand miroir couvert de velours cramoisi surmontant un coffre en bois des îles. Dans l’angle opposé, une armoire en palissandre se dressait et un cabinet d’aisances se dissimulait derrière un paravent sur lequel des bergères entourées de moutons frisés au petit fer écoutaient, pantelantes et la poitrine à demi découverte, des pâtres à figures de femmes vêtus comme des marquis de
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