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Les galères de l'orfêvre

Les galères de l'orfêvre

Titel: Les galères de l'orfêvre
Autoren: Jean-Christophe Duchon-Doris
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grimaçant, il se saisit d’un document dans lequel Guillaume reconnut aussitôt le mémoire qu’il avait envoyé quelques jours plus tôt, exposant sa double découverte des liens entre le meurtre de Mme de Saintonges et l’histoire de la femme de Lot, et de ce que l’homme abattu devait être un ancien galérien.
    — Je vous ai expliqué, n’est-ce pas ? continua le conseiller du Roi, l’enjeu financier de la gabelle en ces temps de grands bouleversements et les dimensions nouvelles qu’a prises la fraude en ce domaine. Tout nous laisse à penser que le faux saunage est désormais dirigé par une organisation de grande ampleur, fortement structurée et qui s’appuie, sans doute, sur des complicités au plus haut niveau de l’État. Sa Majesté en a été informée et m’a donné les pleins pouvoirs pour démonter les mécanismes et confondre les coupables. J’ai longtemps échoué jusqu’à ce que…
    Une nouvelle fois, il fut emporté par la toux et, d’un geste, il fit signe à M. de Montmor de continuer à sa place.
    — Celui ou ceux qui dirigent les réseaux de passeurs de sel de contrebande, qui planifient les expéditions, forment les milices qui les accompagnent, sont d’une grande intelligence et d’une incommensurable ruse. Chaque maillon de la chaîne ne sait rien du suivant ni du précédent. La justice de Sa Majesté a eu beau soumettre à la question ceux que l’on est parvenu à arrêter, les malheureux n’ont pu dire que ce qu’ils savaient, c’est-à-dire pas grand-chose. Tout cela fonctionnait à merveille jusqu’à ce que, curieusement, cette savante mécanique se soit soudain emballée et s’en soit venue se perdre sur des sentiers bien éloignés de la contrebande de sel. Mme de Saintonges est la troisième victime de ce que, dans votre mémoire remarquable, vous désignez du nom de « malédiction de Lot ».
    — La troisième ?
    — Oui, monsieur. Trois malheureuses ont été découvertes pareillement, dénudées et pétrifiées sous le sel, accompagnées de ces oiseaux grotesques.
    Il s’arrêta, les sourcils froncés, le poing serré. Et puis, d’un geste, il chassa la vision qui venait de l’envahir. Il sourit, tira sur ses manchettes en dentelle, s’approcha davantage de Guillaume. Ses yeux étaient d’un or sombre, ses lèvres pareilles à du sang caillé.
    — Pourquoi ? Dans quel but ? Et quel lien avec la fraude de la gabelle ? Nous l’ignorons. Toujours est-il que la perpétration de ces meurtres nous a offert une occasion inespérée de comprendre mieux l’organisation que nous poursuivons. Ils ont été menés avec moins de sang-froid et de savoir-faire, moins de souci du secret et du cloisonnement des tâches que le trafic de sel lui-même.
    — À cet égard, dit M. de Chabas en brandissant le mémoire de Guillaume, vos déductions sont tout à fait remarquables ! Elles m’ont permis de confirmer ce que je soupçonnais déjà à la suite des enquêtes ouvertes après les premiers meurtres : ceux-ci ont été commis par des galériens qui viennent d’être libérés ! Nous en avons identifié trois, dont le vôtre – si je puis dire –, un certain Fouchard, ferrailleur sur l’une des galères de l’arsenal de Marseille, libéré depuis peu.
    M. de Montmor émit une sorte de plainte comme si l’on venait de lui enfoncer une écharde dans le pied.
    — Entendez-vous bien, monsieur de Lautaret ? demanda-t-il en fronçant de nouveau les sourcils. Il ne s’agit pas d’anciens galériens ou de condamnés récents qui se seraient échappés mais de criminels qui ont passé dix ans, vingt ans, trente ans même pour l’un d’entre eux, à ramer pour le roi et qui, dans la foulée de leur libération, sans même prendre le temps de revoir leur pays ou leurs proches, ont commis ces crimes abominables !
    — La conclusion s’impose, dit M. de Chabas. Cette organisation prend racine à Marseille, au coeur même des galères, et c’est là que nous devons concentrer nos efforts si nous voulons éliminer les ennemis de Sa Majesté !
    Il avait frappé du poing sur la table et il regardait Guillaume avec tant de colère qu’on pouvait croire que c’était à lui qu’il en voulait et qu’il allait bondir de son siège illico et tenter de l’étrangler. Il resta ainsi quelques instants comme dans l’attente d’une toux qui ne vint pas. À la fin, épuisé, il se recula et s’enfonça dans le fauteuil.
    — M. de Chabas, dit M.
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