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Les galères de l'orfêvre

Les galères de l'orfêvre

Titel: Les galères de l'orfêvre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Christophe Duchon-Doris
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fantomatique dansant dans le mercure du ciel.
    — Puisque vous êtes si fier de ce que vous avez fait de Marseille, dit-elle, pourquoi nous empêcher d’y aller en juger par nous-mêmes ?
    — Je ne sais, dit-il, ce que dans votre jolie tête vous vous imaginez de ces gens. Mais je vous assure que les Marseillais sont bien peu fréquentables. Ce sont des gens sales, vantards, menteurs et indisciplinés. Ils se croient toujours indépendants et considèrent les « Franciots » – vous et moi – comme des personnes d’une race étrangère. Pour la plupart, ils ne parlent que le provençal. À en croire Mme de Scudery, il n’y avait pas, voilà cinquante ans, plus de six ou sept familles de l’aristocratie marseillaise qui comprenaient le français et je ne suis pas sûr qu’il y en ait le double aujourd’hui.
    — Je veux voir Guillaume, dit-elle en se tournant vers lui.
    Il marqua le coup et, comme à son habitude, il sourit pour retrouver contenance.
    — Plaît-il ?
    À cet instant précis, un laquais apparut sur le seuil de la terrasse brandissant une lettre cachetée posée sur un plateau d’argent.
    — Je vous prie de m’excuser, mesdames. L’on ne me dérange pareillement que dans les situations d’urgence.
    Il prit le pli et le décacheta.
    C’était l’écriture hésitante de M. de Chabas. Il l’informait que, sa fièvre ayant redoublé et sa toux ayant pris mauvaise tournure, il avait dû s’aliter à l’étape de Lyon et ne repartirait qu’après quelques jours de repos. Il lui demandait de prévoir dès son arrivée une entrevue secrète avec Guillaume de Lautaret. Le roi s’était préoccupé de l’avancée de cette affaire et le ministre de la Marine comme ces messieurs de la Ferme ne cessaient de manifester leur impatience.
    — Je veux voir Guillaume, répéta Delphine. Le plus vite possible.
    — Il faut attendre encore, madame. Mais comme je ne peux tout vous refuser, je consens à vous montrer le meilleur de Marseille.

CHAPITRE X
    1.
    En début d’après-midi, chaque galère devait envoyer à l’arsenal son lot de forçats. Les beaux jours revenaient et l’activité n’y manquait pas, de la préparation des bâtiments à la course en mer jusqu’aux inventaires et réparations des armements. Si des ouvriers par charrois entiers pénétraient tous les matins dans l’arsenal pour mener ces tâches à bien, les manoeuvres les plus lourdes ou les plus difficiles étaient réservées aux galériens que chaque capitaine voulait bien lâcher.
    Sur La Renommée , entre ceux qui étaient descendus à terre et ceux qui étaient occupés à tricoter, il ne restait plus grand-monde. Guillaume et Lapardula, ainsi qu’une demi-douzaine d’autres, furent désignés. Ils furent affectés sur le quai à nettoyer à grande eau la saure qui lestait les navires. Autour d’eux, c’était un spectacle hallucinant, digne des mines de Salomon ou des chantiers des pyramides. Tout un monde s’affairait, plongé dans la fumée des forges et le goudron, rythmé par les maillets contre la coque des bateaux. Des hommes torse nu soufflaient comme des boeufs pour joindre à la quille, posée sur des tins, un étambot tout assemblé. Les forçats tiraient sur les cordes pour haler le vaisseau vers la mer. On entendait crier les palans, l’un de chaque bord embraqué à terre, les autres virés au cabestan depuis deux pontons échoués. Les maîtres ouvriers hurlaient sans cesse les ordres et se faisaient obéir avec une grande efficacité. On leur dit qu’en 1676, à la venue du secrétaire d’État à la Marine, le marquis de Seignelay, une galère avait même été construite en un jour.
    Derrière eux, des chaudières bouillaient pour courber les pièces de bois. Des hommes enchaînés deux à deux puisaient l’eau des bassins en actionnant les pompes. D’autres, une fois les bordages posés, calfataient les moindres fissures avec de la poix fondue et des couches de goudron. Plus loin des calfats martelaient l’étoupe à bout de bras. L’arsenal tout entier était baigné d’une forte odeur de graisse fondue.
    Guillaume profita de ce qu’ils étaient mêlés aux ouvriers et à d’autres galériens pour tenter une approche.
    — Je suis nouveau, dit-il, mais l’un de mes cousins a travaillé ici. Il m’a conseillé de rencontrer l’Orfèvre.
    — On ne connaît pas d’Orfèvre, mon gars. Ton cousin avait dû trop respirer cette saloperie de fumée de goudron.
    — Tu

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