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Les galères de l'orfêvre

Les galères de l'orfêvre

Titel: Les galères de l'orfêvre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Christophe Duchon-Doris
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futur cadavre. Guillaume reposa le pot et regarda sans bien comprendre ce que l’homme lui voulait.
    — Je vois dans vos yeux des étoiles, répéta le prêtre un peu plus haut avec un demi-sourire.
    — Elles brillent dans le ciel, dit soudain Guillaume réalisant qu’il avait affaire à l’intermédiaire annoncé par Lapardula.
    — Venez, lui dit le religieux. Le comite accepte que je vous confesse en dehors du banc.
    Et il claqua des doigts en direction d’un pertuisanier qui attendait sagement en retrait. L’homme sortit ses clés et s’approcha.
    Le prêtre l’invita à s’asseoir sur un fouillis de sacs, de colis et de tonnelets arrimés de façon sommaire à l’arrière de la galère, au-dessous de câbles d’amarrage dont le chanvre mouillé gouttait silencieusement. Le ciel entier balafré par les dernières lueurs du soleil couchant, bruissant d’un vent sur le point de s’éteindre, balançait d’un même mouvement toutes les embarcations et faisait chanter les gréements et les cordes.
    Le religieux avait une figure d’ascète, des joues creuses comme tendues de cuir et un regard de martyr chrétien descendu d’une peinture espagnole.
    — Il était temps, dit-il, que Versailles se préoccupât de tout cela. Ils n’ont jamais été si forts et si organisés.
    — Vous les connaissez donc ? Il hocha la tête de haut en bas sans cesser de le fixer.
    — Bien sûr, ce sont les opiniâtres.
    — Qui ?
    — Les huguenots. Les galères n’ont en rien ébranlé les convictions et l’ardeur de ces gens-là. Les efforts conjugués du supérieur de la mission et de l’évêque de Marseille n’y ont rien fait. Ni la terreur systématisée ni les persécutions individualisées n’ont arraché ce que la persuasion n’avait pu obtenir.
    Guillaume écoutait. Mais sous l’influence du vin qui circulait dans ses veines, à moitié endormi, engourdi, il suffoquait. L’envoyé de M. de Montmor lui ressortait la même rengaine. C’était à croire qu’il voulait le perdre sur une fausse piste.
    — Ce seraient eux qui auraient mis en place la fraude de la gabelle ?
    Le prêtre ne paraissait pas l’entendre. Il avait baissé son visage et l’on n’en apercevait que le front et le bout du nez, luisant sous la lueur transparente de la lune à travers la toile épaisse de la voile. Il renouvela sa question et le frère de la mission cette fois leva les yeux vers lui.
    — Vous ne comprenez pas ? La France est en état de guerre avec des puissances protestantes et ces gens-là pactisent avec l’étranger et complotent contre le roi. Ils s’apprêtent à livrer Marseille à la flotte des hérétiques, aux bateaux anglais et hollandais.
    Guillaume clignait des yeux. La fatigue et le vin l’assommaient. Derrière eux, le long du quai, les lumières accrochées aux bastingages des bateaux s’épanouissaient sur les coques comme des bouquets de roses jaunes et venaient danser devant ses pupilles.
    — Avez-vous des preuves ? finit-il par dire.
    — Oui, mon fils. L’argent circule par les comptes bancaires des maisons protestantes. Et leur réseau est clairement mis au jour.
    Le prêtre sortit de sa poche une liasse de papiers pliés écrits en lettres d’un noir curieux qui n’était peut-être pas de l’encre et liés entre eux par de la vulgaire corde. Le document s’intitulait « Règlement fait sur les galères de France par les confesseurs qui souffrent pour la vérité de l’Évangile ».
    — C’est pour vous, dit-il. Lisez-le attentivement. Le roi doit être informé avant qu’il ne soit trop tard.
    — Savez-vous si Mme d’Orbelet et mon épouse, Delphine de Lautaret, ont été accueillies par M. de Montmor ?
    — En effet. Elles sont arrivées hier, ou avant-hier, je ne sais.
    — Avez-vous des nouvelles pour moi ? Des instructions ? Une lettre ?
    — Non, mon fils. Il est temps de vous en retourner. Je reviendrai vous voir.
    Quand Guillaume regagna sa place, il constata que Lapardula dormait à poings fermés. Si l’on tentait cette nuit de l’égorger, l’Italien ne serait pas d’un grand secours. Il se cala et s’apprêta à passer une nouvelle nuit blanche.
    — Dors tranquille, lui dit le nommé Louvet en plissant ses yeux de crocodile. Ce ne sera pas pour ce soir.
    — Pour ce soir, quoi ?
    — Qu’ils te feront la peau. Ils ne viendront pas cette nuit.
    — Mais qui ?
    — Des forçats ont demandé dans la journée des renseignements

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