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Les galères de l'orfêvre

Les galères de l'orfêvre

Titel: Les galères de l'orfêvre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Christophe Duchon-Doris
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le monde, les pertuisaniers – ceux-là qui portent la hallebarde –, anciens galériens pour la plupart et qui sont chargés des basses oeuvres.
    Il y eut alors un étrange manège qui intrigua beaucoup Guillaume. Les sous-comites passaient sur la coursie, l’allée centrale, en appelant certains des galériens et les argousins descendaient défaire les chaînes de ceux dont le nom avait été crié. Au passage, chacun donnait une pièce à l’argousin. Des petits groupes étaient constitués et descendaient à quai, escortés par les pertuisaniers.
    — Où vont-ils ? demanda Guillaume.
    — Certains travaillent dans les baraques qui sont sur le quai, juste devant les galères, et d’autres sont employés dans les échoppes, ateliers et fabriques de la ville. Le comite les laisse partir moyennant une dîme d’un sol par jour.
    Guillaume fit un rapide calcul. À ce tarif multiplié par le nombre des forçats, compte tenu de ce que les galères restaient immobilisées à quai près de six mois par an, il y avait de quoi améliorer rondement la solde. Et combien versaient ceux des détachés qui pouvaient déambuler sur la galère, comme les Turcs, sans paraître inquiétés ? De sa place, il remarqua que certains forçats passaient ainsi de galère en galère sans que personne s’y opposât.
    L’un d’eux monta à bord. Guillaume le reconnut comme Mathusalem, l’aveugle avec des tatouages qui avait aidé le commissaire à l’intendance, le jour de leur arrivée. On lui expliqua que l’infirme était toléré malgré son handicap parce qu’il rendait service à tout un chacun. Et de fait, lorsque l’un des deux sous-comites fit distribuer de la laine et des aiguilles à ceux qui étaient restés sur les bancs, il l’épaula. Guillaume et ses compagnons n’eurent pas droit à la distribution.
    — Il faut encore payer pour avoir le droit de tricoter ? demanda-t-il.
    On lui répondit que non, que c’était même le contraire. Le comite versait à chaque tricoteur un sol par jour mais gardait les tricots, revendus à des entrepreneurs de Marseille. Là encore, le bénéfice pouvait être intéressant.
    Le sous-comite ordonna à ceux qui restaient de sortir et de placer la rame pour procéder à son nettoyage. Une fois l’engin installé, l’exiguïté du banc était telle qu’aucun des galériens du banc ne pouvait vraiment replier les bras si bien qu’il parut à Guillaume tout à fait improbable qu’ils puissent manier l’aviron en pareille position.
    Lapardula posa ses grosses mains sur la rame et caressa longuement le bois.
    — S’il y a bien une seule chose que je connais, dit-il avec une voix un peu souterraine, c’est comment ramer vite et bien, tout en s’économisant. J’ai fait ça toute ma chienne de vie.
    Il lui expliqua comment caler ses fesses sur le madrier avec le coussinet en cuir de vache rembourré de vieux tissus ficelés, comment poser ses pieds sur la banquette puis sur la « pédagne », une poutre de pin bordant l’extrémité de la banquette, comment placer ses mains sur la « manille », la poignée de quatre anses taillée dans la rame. Il montra à Guillaume comment le vogue-avant devait saisir à pleines mains l’extrémité dégrossie de l’aviron.
    — Il y a trois temps dans l’action de ramer, dit-il. En premier, on s’élève de dessus le banc, en deuxième, on pousse le genou de la rame vers la poupe de la galère, alors le vogue-avant fait un pas, il monte du pied droit sur la pédagne pendant que l’autre reste appuyé sur la banquette, il allonge son corps et ses bras vers la poupe. Nous autres, on fait le même pas, plus ou moins grand selon que l’on est proche ou non du vogue-avant. En troisième, on tombe sur le banc en se renversant vers la proue et en tenant les bras toujours tendus. Toujours tendus, c’est là le secret ! Puis on fait décrire au genou de la rame une ligne circulaire et on plonge la pale dans la mer. Là, il ne faut pas hésiter et se précipiter en arrière pour tomber assis sur le banc.
    Il accompagnait ses paroles de gestes. Guillaume voulut l’imiter mais un argousin venait pour vérifier s’ils s’étaient mis au nettoyage. Ils firent semblant d’astiquer.
    — Tout cela est bien joli, glissa Lapardula. Mais on ne peut rester prisonniers à ce banc en attendant que quelqu’un vienne te trancher la gorge.
    — Tu as raison. Il faut que je sois affecté à l’arsenal.
    Lapardula le regarda du coin de

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