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Les galères de l'orfêvre

Les galères de l'orfêvre

Titel: Les galères de l'orfêvre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Christophe Duchon-Doris
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es fou, lui glissa Lapardula. Tu poses trop de questions.
    — Si tu as une autre idée…
    Il devait être vers les trois heures lorsque l’écrivain du 5 e  bureau, le nommé Thomazeau, vint chercher Guillaume.
    — Hé, toi ! il paraît que tu sais lire et écrire.
    Il expliqua qu’il avait besoin d’un commis aux écritures pour enregistrer les arrivages de marchandises et de matériaux qui étaient entrés dans l’arsenal. En temps ordinaire, le fer venait de Suède, le plomb d’Angleterre et d’Écosse, le zinc de Hollande, le cuivre de Hongrie mais, avec la guerre de Succession d’Espagne, il avait fallu faire appel à d’autres fournisseurs et l’on craignait de s’être fait voler sur la quantité et la qualité. Il était nécessaire de vérifier cela.
    Thomazeau l’emmena jusqu’à l’une des salles s’ouvrant sur les arcades. Des registres attendaient sur un bureau.
    — Je ne sais pas qui tu es et ce que tu as fait, dit-il à Guillaume. Mais on m’a dit de te préparer cela et de te laisser une heure, pas une de plus.
    Il quitta la salle en prenant soin de fermer la porte derrière lui à double tour. Un peu de soleil passait par les canisses qui fermaient les fenêtres et dessinait de grandes stries de lumière sur les piles de documents. Des odeurs d’encre et de poussière flottaient dans la pièce. Une chaise, une plume et un encrier avaient été mis à sa disposition. Guillaume s’approcha et commença à feuilleter. C’étaient les registres qu’il avait demandés à l’intendant général. Certains étaient dressés par ordre alphabétique, d’autres par dates d’entrée, d’autres encore par nature de délits. Tous portaient quantité d’informations. Mais maintenant, se dit-il, comment chercher ?
    Il s’efforça d’abord de comprendre selon quelle logique ils étaient tenus. Au bout d’un quart d’heure, il parvenait à les croiser et à retrouver, à partir d’un nom, la date à laquelle le galérien qui le portait était entré à l’arsenal et, le cas échéant, en était sorti, puis à quelle peine il avait été initialement condamné. Il retrouva Fouchard, le bagnard qu’il avait abattu lors de l’assassinat de Mme de Saintonges : un Auvergnat, entré en 1673, condamné pour avoir tenté de tuer sa femme au fer rouge, affecté jusque-là sur La Merveilleuse, libéré en avril 1702. A priori , M. de Chabas ne lui avait pas menti : l’homme n’avait aucun lien ni avec la Bourgogne ni avec le faux saunage.
    Bien, se dit Guillaume, à partir de là, essayons de dresser des listes logiques. Il en fit trois : la première de tous les condamnés de droit commun qui étaient entrés à l’arsenal la même année que Fouchard, la deuxième de tous ceux qui étaient originaires d’Auvergne, la troisième de tous les galériens affectés sur La Merveilleuse . Il les compara. Un autre nom que celui de Fouchard apparaissait sur les trois listes, celui d’un certain Lassère. Trop de points communs, pensa Guillaume, pour que les deux hommes n’aient pas été complices. Lassère était toujours à l’arsenal. Il suffisait de le trouver.
    En feuilletant au hasard les registres, il tomba sur un petit cahier qui tentait de dresser une liste des galériens non par noms mais par surnoms. « Ce ne peut être si simple », pensa-t-il, en cherchant à la lettre O. Le document lui donna raison : il y avait bien un « Orfèvre », mais il était mort depuis deux ans.
    Thomazeau ouvrait la porte. En sortant, Guillaume ne put s’empêcher de jeter un regard vers la maison du roi. Si Delphine était arrivée, pour quelle raison ne lui donnait-elle pas de ses nouvelles ?

    2.
    Les ombres des galères rejoignaient les brouillards du soir dans une ligne pâle, effacée, et les tons cuits et chauds des vieux bois brillaient sous le dernier soleil. Un vent de sel battait les cordages et faisait danser sur l’eau grasse du port les taches de goudron et les résidus des caniveaux.
    Une à une, les équipes parties le matin rejoignaient les bancs de La Renommée . Le comite en personne pointait les galériens. Les anneaux de fer refermés sur les chevilles, chacun reprenait sa place, exténué par les fatigues de la journée. Guillaume, comme les autres, luttait pour ne pas s’écrouler. Mais ce fut à ce moment-là qu’on entendit un bruit étrange, métallique, montant de tous les bancs de la galère et qui ne cessa de grossir. Les forçats avaient sorti leur

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