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Les galères de l'orfêvre

Les galères de l'orfêvre

Titel: Les galères de l'orfêvre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Christophe Duchon-Doris
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d’un rouleau de bandelettes. Sans doute était-il affecté ici comme garçon de salle ou aide-apothicaire. Il s’avança vers Guillaume et vint s’asseoir à côté de lui, sur la table de chevet qui séparait les deux lits.
    — Prenez, dit-il à Guillaume en lui tendant un flacon d’eau-de-vie. Cela vous fera du bien. Je suis l’un des membres de l’organisation secrète des huguenots de l’arsenal. Un infirmier nous a prévenus en trouvant ceci caché sous vos vêtements.
    C’était le document remis par le prêtre sur la galère, ce « règlement fait pour les galères de France… ».
    — Qui êtes-vous ?
    — Mon nom importe peu. Ma qualité suffira. On m’a mandaté pour vous informer et vous prévenir.
    Le visage de l’homme était d’une extrême fixité. Ses lèvres bougeaient à peine quand il parlait et tout le reste de son visage était comme mort.
    — Vous informer tout d’abord que nous ne sommes pas ceux que vous cherchez. Nous savons pourquoi vous êtes ici. Nos amis d’au-delà des murs nous ont prévenus et nos informateurs sont partout. Nous n’avons pour souci que de survivre. Nous ne sommes ni des assassins ni des trafiquants de sel. S’il est vrai que nous recevons des sommes de l’extérieur, en quantité infime soyez-en persuadé, ces subsides nous servent avant tout à soudoyer les bas officiers et les gardiens des citadelles Saint-Jean, Saint-Nicolas et du château d’If afin de maintenir le contact avec ceux des nôtres qui y croupissent.
    — Pourquoi me dites-vous tout cela ?
    — Parce que nous vous connaissons, monsieur de Lautaret. Vous n’êtes ni pour ni contre nous. Certains veulent profiter de votre mission pour mettre au jour notre organisation et nous forcer à la conversion de force. Nous souhaitons mettre avec vous les cartes sur la table : ne vous trompez pas de cible.
    Des pas de gros souliers ferrés résonnaient dans le couloir. L’homme, instinctivement, s’accroupit. C’était une simple ronde. Les lanternes que les gardiens balançaient à bout de poing jetèrent un bref instant du rouge sur les lits, sur les corps, jusque sur les paupières baissées de Guillaume. Puis les bruits s’éloignèrent vers une autre salle.
    — Voilà pour m’informer, dit le procureur en se redressant, mais vous vouliez également me prévenir.
    L’homme se releva. Son visage était toujours un masque de cire.
    — À l’évidence, monsieur, si nous avons pu percer votre identité et connaître votre mission, d’autres l’ont fait aussi. Nous ne sommes pas, à l’arsenal, les mieux organisés.
    — Vous voulez parler de l’Orfèvre ?
    — Peut-être. L’Orfèvre n’est pas notre ennemi. Il nous a aidés. Moyennant finances et quelques menus services, certes, mais il l’a fait alors qu’il pouvait nous dénoncer. Nous ne ferons rien contre lui.
    — Mais qui est-il ?
    — Je ne sais rien de lui. J’ai discuté, une fois, avec lui, dans le noir. C’est un homme érudit, qui parle grec et latin et connaît les Évangiles.
    — Vous pouvez bien me donner un détail ?
    — Je suis désolé. Je dois m’en aller. Le chirurgien ne va pas tarder à commencer sa tournée de nuit.
    Il avait raison. À peine avait-il disparu qu’une petite troupe escortée de chariots sur lesquels reposaient des bols de bouillon s’avança dans la salle. Le médecin réal, précédé de quatre gardes de porte, entouré de servants et d’infirmiers, de forçats qui distribuaient les repas, passa rapidement devant chaque lit et se contenta de jeter un oeil aux tablettes fixées sur le devant des barreaux.
    — Tu as de la chance, dit-il à Guillaume. Tu n’es pas malade et ça vaut mieux parce qu’ici on ne guérit pas, on meurt proprement, c’est tout. Tu n’as que deux côtes fêlées mais ça n’empêche pas de ramer et ton capitaine te réclame.
    Il signa le bon de sortie. Fermant le ban et en retard par rapport à la petite troupe, Guillaume reconnut de nouveau Mathusalem, l’aveugle. Il poussait devant lui une sorte de chariot sur lequel était fixée une grosse barrique. À chaque lit, l’infirme, vêtu du bonnet écarlate, d’un tablier couvert de taches douteuses, se baissait, tâtonnait, saisissait les pots de chambre et les vidait bruyamment. L’un des aides-apothicaires l’insulta parce qu’il n’allait pas assez vite. Comme les autres fois, il marchait avec peine, dans un équilibre précaire, comme s’il avait bu. À hauteur de

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