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Les galères de l'orfêvre

Les galères de l'orfêvre

Titel: Les galères de l'orfêvre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Christophe Duchon-Doris
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au-dessus de lui. Par quel miracle avait-il échappé à la mort qu’ils lui promettaient ? Et s’il n’avait été que blessé, pourquoi n’était-il plus sur La Renommée ou à l’hôpital ? Il défit lentement ses bandages pour observer ses plaies. Elles sentaient l’huile d’aloès et l’onguent. Rien de méchant, à première vue. Il fit l’effort de se lever et fut tout heureux de constater que la douleur était supportable. La pièce voisine était encombrée de grandes ancres corrodées par la cendre orangée des rouilles, par des câbles d’amarrage dont le chanvre mouillé dégageait une odeur de sel et de coquillage. La suivante était une sorte de garde-manger, avec des barriques de boeuf séché, de lard, de riz, de morue, des pois, des anchois et des sardines en saumure. Dans la troisième, il découvrit un fouillis de sacs, de colis et de tonnelets arrimés de façon sommaire. Des toiles d’araignée scellaient de vieilles cuves.
    Un bruit étrange perçait la muraille des pierres et il lui fallut quelques secondes pour l’identifier. C’était la musique lancinante du ressac, de la danse des vagues sur les rochers. Il devait être en dessous du niveau de la mer. À Marseille peut-être, près de l’hôtel de ville, dans un de ces entrepôts creusés dans l’épaisseur du quai. Au bout du défilé des salles, il se trouva nez à nez avec une grosse porte en fer, fermée par des chaînes cadenassées. Il tenta en vain de la faire jouer. Il revint sur ses pas, roula sous la fenêtre de la première salle une barrique et monta dessus. Son intuition avait été la bonne. Il était bien revenu dans la cité phocéenne. Il était au ras des pavés des quais de la vieille ville et il apercevait les baraques que tenaient les forçats devant les emplacements des galères. Le mistral s’était levé et faisait danser dans le port les agrès et les mâts.
    Peut-être y avait-il quelque part une seconde ouverture ? Il entreprit, la lanterne à la main, d’inspecter de nouveau chacune des pièces. Et à la troisième, en passant devant l’une des vieilles cuves, il remarqua que la flamme de la lanterne se couchait, aspirée par un fort courant d’air. Il remercia dans sa tête le mistral, écarta les toiles d’araignée, tâtonna de la main et finit par découvrir un mécanisme caché dans un renfoncement du mur. L’une des cuves pivota, révélant l’existence d’une autre pièce. Guillaume fut tout d’abord déçu : l’endroit était plongé dans l’ombre, sans aucune fenêtre ni aucune porte. Le mistral s’infiltrait par de petites ouvertures dans le mur, de la largeur d’un sou. Mais en promenant sa lumière, il découvrit une salle bien plus haute, avec des étagères encombrées de livres et de registres et, en son centre, une immense table formée de plusieurs planches posées sur des tréteaux, encombrée d’objets insolites, de monticules étranges, des cailloux peut-être. Il posa sa lanterne, tenta de trouver un sens à tout cela. Et il finit par comprendre : il avait face à lui la maquette géante du royaume de France, avec ses montagnes dessinées par des pierres, ses principales routes indiquées par des lignes de plomb fondu, ses villes marquées à la cire. Elle était découpée en plusieurs régions. Des épingles étaient plantées à certains endroits, les unes à tête ronde et les autres à tête aplatie et, là encore, il ne mit pas longtemps à en percer la signification. Il avait déjà eu sous les yeux une carte presque identique, celle que Delphine et lui-même avaient dressée dans le salon de Mme de Beaulieu, celle qui reproduisait le découpage de la France en fonction de l’impôt de sel, celle sur laquelle ils avaient porté les lieux des principaux accrochages entre les gabelous et les troupes militarisées de faux sauniers. Ce que Guillaume venait de trouver, ce n’était pas moins que le quartier général de l’Orfèvre, le lieu à partir duquel il organisait la fraude de la gabelle à l’échelle du royaume. Il se précipita vers les livres et les registres, persuadé qu’il y trouverait le détail de l’Organisation et le nom de tous les complices. Mais, à sa grande surprise, ils étaient vides. Les pages jaunies étaient vierges de toute écriture.
    Il n’eut pas le loisir de réfléchir à sa découverte. Des gonds oxydés gémirent dans le silence, suivis du bruit de chaînes et de cadenas remués. Il n’eut que le temps de sortir,

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