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Les grandes dames de la Renaissance

Les grandes dames de la Renaissance

Titel: Les grandes dames de la Renaissance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Guy Breton
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qui fût capable d’aller faire une demande officielle de la part de Charles VIII.
    Une idée lui vint. Une idée machiavélique susceptible de la venger de bien des affronts.
    En allant à Rennes, Charles VIII, pressé par sa sœur Jeanne, qui s’ennuyait de son mari, avait fait libérer Louis d’Orléans.
    Pourquoi ne pas le charger de cette mission délicate ? Anne de Beaujeu pensa qu’il serait cruellement humilié d’avoir à demander, pour le roi, cette petite duchesse qu’il aurait tant voulue pour lui, et elle en fut ravie.
    Pressenti, le duc devint « plus blanc que linceul ». Pourtant il accepta, car sa situation ne lui permettait pas de désobéir à la régente.
    La semaine suivante, Louis d’Orléans arriva donc à Rennes et se présenta devant Anne. La petite duchesse lui sembla plus belle encore que du temps où il s’était fiancé avec elle, et il eut bien du mal à lui présenter la requête de Charles VIII.
    Anne, qui commençait à subir l’influence de ses conseillers, tous favorables à un mariage avec le roi de France, déclara simplement :
    — Qu’il vienne me voir !
    Après quoi, elle se mit à pleurer, « pour ce qu’elle haïssoit moult l’homme qu’on vouloit lui faire espouser ».
    Quelques jours plus tard, une entrevue entre Charles et Anne fut préparée de façon habile. Le roi se rendit en pèlerinage dans une chapelle située aux portes de Rennes et, après s’y être recueilli, franchit les fortifications « comme si cet acte était fait par inadvertance ». En fait, comme il était accompagné dans sa petite promenade par cinquante archers et cent hommes d’armes, cette entrée officieuse équivalait à une prise de possession.
    Aussitôt, Charles se rendit auprès de la petite duchesse pour la saluer. On les laissa seuls. Et, tout en prononçant des paroles banales, ils s’examinèrent.
    Il la trouva jolie, charmante, remarqua qu’elle avait la gorge pleine et qu’elle dissimulait fort habilement, par l’emploi de semelles de feutre, la claudication dont on lui avait parlé.
    Quant à Anne, elle fut désespérée, car elle trouva Charles très laid. Il avait en effet, d’après Zaccari Contarini, « des yeux blancs beaucoup plus aptes à voir mal que bien, le nez aquilin également grand et gros plus qu’il ne convenait, les lèvres grosses et continuellement ouvertes, et, de plus, dans les mains, certains mouvements nerveux qui semblaient fort laids à voir »…
    Mais ils n’étaient pas là uniquement pour se contempler. Ils se parlèrent. Et Charles demanda à la duchesse Anne si elle voulait devenir sa femme.
    Elle accepta, car elle savait que son refus entraînerait la ruine complète du duché par les troupes royales. « Il fallait qu’elle se résignât à être l’épouse du roi de France ou sa captive [32] . »
    Les fiançailles eurent lieu trois jours après dans le plus grand secret.
    Pourtant, on eut la curieuse idée de convier le maréchal Zolfgang de Polhain, ambassadeur de Maximilien, celui-là même qui avait glissé sa jambe dans le lit d’Anne au moment du mariage par procuration. Il déclina l’invitation, d’un air pincé, et, quittant précipitamment la Bretagne, alla prévenir son maître de cette union imprévue.
    Au bout de quelques semaines, Anne et Charles furent bons amis. Et, tandis que la petite Bretonne commençait à oublier la laideur de son fiancé, celui-ci sentait naître en lui un désir qui l’étonnait. Jamais, en effet, il n’avait eu envie de caresser les seins d’une femme. Or il eut bientôt de telles démangeaisons au creux des paumes qu’il s’en inquiéta et confia son tourment à Anne de Beaujeu.
    — Votre question m’afflige, mon frère, dit-elle. Il s’agit d’une chose pour laquelle je ne puis vous être d’aucune utilité.
    Alors Charles VIII, qui allait avoir vingt et un ans, rentra dans sa chambre et considéra longuement ses mains en réfléchissant.
    « Est-ce donc cela qu’on appelle l’amour ? » se disait-il.
    Puis, comme Anne continuait à lui plaire de plus en plus, il eut de son sentiment pour elle d’autres témoignages, et il oublia le picotement qui agaçait ses paumes…
    Il eut hâte, alors, de se marier.
     
    La cérémonie fut fixée au 6 novembre 1491. Elle eut lieu au château de Langeais. Avant toutes choses, les futurs époux signèrent un contrat qui comportait de curieuses clauses. Il y était dit, en effet, que si « Madame Anne décédait

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