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Les grandes dames de la Renaissance

Les grandes dames de la Renaissance

Titel: Les grandes dames de la Renaissance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Guy Breton
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avant le roi et sans enfants procréés d’eux, elle cédait et transportait à lui et à ses successeurs rois de France, et par donation irrévocable, ses droits au duché de Bretagne ».
    Et que, « pareillement, le roi cédait à ladite dame ses droits à la possession dudit duché, s’il mourait avant elle sans enfants légitimes nés de leur mariage ».
    Mais, et c’était la clause la plus singulière, il était spécifié « que, pour éviter incommodités de guerres et sinistres fortunes entre les pays », Madame Anne ne pouvait, en cas de veuvage, convoler en secondes noces, «  hors avec le roi futur, s’il lui plaisait, et si faire se pouvait, ou à un autre prochain et présomptif futur successeur de la couronne ».
    Après la bénédiction, Anne et Charles participèrent à quelques fêtes. Puis on les laissa seuls et ils se rendirent dans une chambre magnifiquement décorée, où ils se mirent benoîtement au lit.
    La petite mariée de quinze ans ne disait rien, mais, se souvenant de son « mariage par procuration », se demandait avec quelque inquiétude si toutes les nuits de noces se ressemblaient…
    Lorsqu’elle fut couchée, Charles vint la rejoindre et la prit aussitôt dans ses bras.
    — Enfin seuls ! soupira-t-il.
    Le jeune roi ignorait que, derrière les rideaux du lit à baldaquin, six bourgeois rennais étaient cachés et prêtaient l’oreille.
    C’était Anne de Beaujeu qui les avait placés là. Craignant en effet que Maximilien n’accusât le roi de France d’avoir enlevé et violé Anne de Bretagne, elle avait demandé à ces braves gens d’attester que la petite duchesse était devenue librement l’épouse de Charles VIII…
    Les six bourgeois restèrent à leur poste jusqu’au matin ; après quoi, ils firent un rapport en des termes d’une telle crudité qu’Anne de Beaujeu en fut chavirée et que les historiens n’ont jamais osé le publier…

5
    Pour les beaux yeux de la reine,
Charles VIII veut conquérir Naples
    Sans l’amour, aurions-nous tant de guerres ?
     
    Paul Valéry
     
    Dès le lendemain du mariage, Charles pensa qu’il était peut-être courtois d’aller fournir des explications à Marguerite d’Autriche, sa fiancée… Il se rendit à Amboise, où elle avait sa « petite cour », et lui apprit, avec toute la délicatesse qui convenait, qu’elle était répudiée, « attendu qu’il en avoit espousée une aultre ».
    Bien qu’elle s’attendît à cette nouvelle, la malheureuse enfant éclata en sanglots, et son visage montra une si grande douleur que Charles en eut lui-même les larmes aux yeux.
    — Voilà donc tout le cas que vous faites de vos serments, dit-elle.
    Le jeune roi, très embarrassé, lui expliqua qu’il avait dû s’incliner devant la raison d’État.
    — Je suis aussi peiné que vous, ajouta-t-il.
    Marguerite le regarda dans les yeux :
    — Du moins, murmura-t-elle, puis-je avoir cette consolation de penser que personne ne pourra dire ou présumer que ce qui arrive l’est par ma faute…
    Alors, ils se prirent les mains et pleurèrent ensemble, joue contre joue.
    Cette pénible scène fut interrompue de façon odieuse par le seigneur Dunois. Un chroniqueur nous dit en effet : « Ledit seigneur Dunois attendait le roi hors de la porte de la chambre, en lieu de ce que tous les autres princes et princesses, seigneurs et dames jetaient pleurs et soupirs innombrables de pitié et de compassion, en voyant une si dolente départie des deux amants. Lui seul, par sa cruelle arrogance, et damnable moquerie, importunait le roi de hâter son parlement et accusait sa trop longue demeure avec ladite très déconfortée princesse, disant qu’il se morfondait de tant pleurer avec les dames [33] . »
    Marguerite, blessée, se redressa et demanda à retourner chez son père le plus tôt possible.
    Charles VIII baissa la tête.
    — Pour l’instant, vous demeurerez ici, dit-il.
    Et, sans rien ajouter, il partit en compagnie de Dunois, laissant seule et gémissante celle qui, pendant six ans, avait été la « petite reine » de France, adorée du peuple, et qui n’était plus qu’une fillette prisonnière et accablée de chagrin…
     
    Maximilien, on s’en doute, ne réagit pas du tout comme Marguerite lorsqu’il apprit le mariage de Charles et d’Anne. Il eut un accès de fureur qui fit craindre pour ses jours.
    Il est vrai que le pauvre avait quelques raisons de n’être pas content, puisque le roi de

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