Les grandes dames de la Renaissance
assuraient même que ses parents étaient responsables de son penchant pour le duo sans musique, disant qu’ils l’avaient habituée à porter des talons trop courts, « ce qui étoit cause qu’à toutes rencontres d’hommes, elle étoit sujette et facile de tomber à la renverse »…
Bref, on ne tenait pas la mère du roi pour une femme sérieuse.
Or, parmi tous les amants de Louise, il en était un qu’elle préférait et avec qui elle eût désiré se remarier.
C’était Charles de Montpensier, duc de Bourbon, qui avait douze ans de moins qu’elle et qui était beau comme un jeune dieu.
Elle l’avait connu en 1506 aux fiançailles de son fils avec Claude de France. Charles avait alors seize ans, il portait une armure blanche et elle en était immédiatement tombée amoureuse.
À la fin du repas, elle avait fait valoir au jeune homme que son fils, héritier présomptif de la couronne, serait un jour prochain roi de France et qu’elle saurait alors se souvenir de ses amis…
— François m’adore, avait-elle dit, il fera toujours ce que je voudrai, et l’on a vu de très jeunes connétables…
Charles, qui n’était point sot, avait parfaitement compris ce qu’on attendait de sa vigueur et de sa bonne volonté, et, bien qu’il fût marié avec la plus riche héritière du royaume, Suzanne de Bourbon, fille d’Anne de Beaujeu, il était devenu, quelques jours plus tard, l’amant de Louise.
La chose ne lui avait d’ailleurs point paru désagréable attendu que M me d’Angoulême, qui était âgée de vingt-huit ans, avait une fort bonne contenance, « les fesses rondes, les tétins hauts et la jambe bien faite »…
Les amours de Charles et de Louise furent bientôt devinées par toute la Cour. M me d’Angoulême avait, en effet, une façon de frémir des narines en regardant le jeune homme qui en disait long, même aux plus candides.
Toutefois, comme il était prudent de ne point montrer qu’on avait compris trop de choses, on n’en parlait qu’à mots couverts, et d’un air humble :
— Que pensez-vous de M. de Bourbon ? demandait-on.
— Je crois que M me d’Angoulême lui a donné sa friandise, avait-on coutume de répondre en baissant les yeux.
Car le XVI e siècle avait conservé du Moyen Âge cette saine façon de s’exprimer qui empêche la naissance des complexes [80] .
En 1515, François monta sur le trône et Louise se souvint de ses promesses : le premier acte d’autorité du nouveau roi fut de remettre l’épée de connétable de France à Charles de Bourbon…
Celui-ci trouva, d’ailleurs, qu’on lui devait bien cela, n’ayant dû tromper sa femme, pendant neuf ans, qu’avec M me d’Angoulême.
Toutefois, il lui sembla nécessaire de se montrer reconnaissant, et pendant quelque temps il dépensa dans la chambre de Louise de Savoie des forces qu’il eût dû réserver aux devoirs de sa charge.
Louise se méprit et crut qu’il s’agissait d’un véritable amour. Ivre de joie, elle fit des projets d’avenir, rêva de remariage et se persuada que la femme de Charles, qui était chétive et souffreteuse, allait mourir jeune – ce qui la rendit heureuse. Et elle attendit, imaginant le moment où son bien-aimé entrerait dans sa chambre et lui dirait avec un éclair de joie dans les yeux :
— Je suis veuf !
Dans l’espoir de ce beau jour, elle combla le jeune connétable de faveurs et de gentillesse. Elle lui offrit une bague, un oranger et une épée sertie de pierres précieuses. Sur cette épée Charles fit graver deux devises qui, probablement, n’ont que peu de rapport avec le métier des armes : « Penetrabit » (elle entrera) et « À toujours… mais… ». Phrases qui résument si bien l’attitude du connétable avec M me d’Angoulême qu’il est inutile de leur chercher une autre signification.
Ces petits jeux amoureux durèrent jusqu’au 28 avril 1521. À cette date, Suzanne de Bourbon mourut pour la plus grande satisfaction de Louise de Savoie, qui remercia le ciel d’avoir exaucé ses secrètes prières.
Aussitôt, elle se précipita chez son amant et lui demanda quand il comptait l’épouser.
Charles fit la moue, prétexta des affaires urgentes : l’enterrement de sa femme, ses obligations de connétable, etc., et déclara qu’on verrait cela plus tard. Mais Louise revint à la charge une fois, deux fois, dix fois… lui rappelant ses promesses d’homme marié et la bague qu’elle lui
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