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Les grandes dames de la Renaissance

Les grandes dames de la Renaissance

Titel: Les grandes dames de la Renaissance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Guy Breton
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des murailles ». Alors les belles Madrilènes imaginèrent le prisonnier les fers aux pieds. Et sa popularité s’en trouva accrue. Cette incarcération fut même à l’origine d’une passion à laquelle il dut sa liberté.
    La dame qui prit pitié de lui s’appelait Éléonore d’Autriche ; elle avait vingt-six ans. C’était la propre sœur de Charles Quint.
    Veuve du roi du Portugal, elle avait été promise, par son frère, au connétable de Bourbon, mais s’était élevée avec véhémence contre un tel projet :
    — Jamais, avait-elle dit, je n’épouserai le traître qui a causé la ruine du roi François.
    Et Charles Quint avait soupçonné sa sœur de nourrir des sentiments peu orthodoxes à l’égard de son prisonnier. Il n’avait pas tort, car Éléonore, ne pouvant plus souffrir que l’objet de sa passion fût enfermé dans une tour, alla jusqu’à écrire à Louise de Savoie : Ah ! madame, s’il estoit en mon pouvoir de délivrer le roy…
    Cette phrase donna l’idée à la régente d’un projet de paix assez original : François céderait la Bourgogne à Charles Quint, pour que l’orgueil de l’empereur fût satisfait ; mais Éléonore recevrait cette province en dot et la rendrait au roi de France en l’épousant…
    François I er , en effet, était veuf depuis un an. (La douce reine Claude s’était éteinte à vingt-cinq ans, après être passée quasi inaperçue dans l’histoire de notre pays. Elle serait d’ailleurs aujourd’hui complètement oubliée si l’explorateur Pierre Belon, qui avait parcouru l’Orient et rapporté de ses voyages de nombreux arbres à fruits, n’avait eu l’idée charmante de donner son nom à une prune…)
     
    Marguerite d’Angoulême, sœur de François I er , alla elle-même en Espagne proposer le marché de paix à Charles Quint qui le refusa, naturellement.
    Il répondit en posant ses conditions : « Le roi de France devait abandonner la Bourgogne, Auxonne, Mâcon, Auxerre, Bar-sur-Seine, les bords de la Somme, Tournai, les Flandres, l’Artois. Il renoncerait en outre à tous ses droits sur Milan et Naples et à ses prétentions sur l’Aragon. Enfin il abandonnerait Henri d’Albret, roi de Navarre, Robert de la Marche et d’autres encore à la justice de l’empereur, et il amnistierait le connétable de Bourbon ».
    En recevant la liste de ces extravagantes exigences, François I er se contenta d’écrire à Charles Quint :
     
    Monsieur mon frère,
     
    Connaissant que, plus honnêtement, vous ne me pouvez dire que vous me voulez toujours tenir prisonnier que de me demander chose impossible de ma part, je me suis résolu prendre la prison en gré, sûr que Dieu, qui connaît que je ne l’ai mérité longue, étant prisonnier de bonne guerre, me donnera la force de la porter patiemment…
    Votre bon frère et ami,
     
    François.
     
    Cette belle réponse ne changea rien à l’épouvantable situation où l’amour contrarié de Louise de Savoie avait placé le royaume ; car si le roi n’acceptait pas la rançon qui était exigée par Charles Quint, il risquait de demeurer dans sa cellule de Madrid jusqu’à la fin de ses jours.
    En attendant que les événements voulussent bien améliorer son sort, François I er passait son temps à composer des poèmes.
    Il écrivait des vers moroses à M me  de Châteaubriant, qui lui répondait des lettres passionnées, que son mari « acceptait de ne point voir »…
     
    L’esprit est à toi. Pour le corps, pourriture
    Quand, de te voir, j’ai perdu l’espérance
     
    écrivait le roi.
    « Puisque la rigueur du temps n’a pas voulu souffrir votre tant de moi désiré retour, il faut que cette inutile lettre fasse l’office de vous remercier de tant de biens et de grâces… » répondait la favorite qui signait joliment : « Votre tant qu’il vous plaira l’aimer, heureuse amie… [89]  »
    Pendant que le roi, superbement indifférent aux incommodités de la prison [90] , marivaudait ainsi, sa sœur Marguerite avait, avec l’empereur, des conversations pleines de chausse-trapes dont elle sortait découragée.
    Le souci que lui causait la captivité de François faillit d’ailleurs la faire tomber dans un piège préparé par Charles Quint. Elle avait obtenu, pour venir en Espagne, un sauf-conduit d’une durée de trois mois. Or ces trois mois étaient presque arrivés à leur terme et elle ne semblait pas s’en apercevoir. Distraction qui pouvait

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