Les grandes dames de la Renaissance
vous seront quelque peu de réconfort, j’ay prié qu’on me laissast vous escrire. Cette grâce m’a esté accordée, vous priant vouloir prendre l’extrémité de voz fins, en usant de votre accoustumée prudence ; car j’ay espérance à la fin que Dieu ne m’abandonnera point. Vous recommandant vos petits enfants et les miens, vous suppliant faire donner sûr passage pour aller et retourner en Espagne au porteur, qui va vers l’empereur pour sçavoir comment il veut que je sois traicté. Et sur ce, très humblement me recommande en vostre bonne grâce.
Très humble et obéissant filz,
François.
Cette lettre, lorsqu’elle arriva à Lyon où se trouvait alors Louise de Savoie, causa l’émotion que l’on devine.
Les belles amies du roi commencèrent par éclater en sanglots, puis elles séchèrent vite leurs larmes pour épier les réactions de deux femmes qui se trouvaient brusquement face à face : M me d’Angoulême, que François I er avait nommée régente avant de partir pour l’Italie, et M me de Châteaubriant.
Celle-ci, privée de l’appui du roi, comprit qu’elle avait tout à craindre en restant à la Cour et, après une respectueuse révérence, elle annonça à la régente son intention d’aller retrouver son mari à Châteaubriant…
Le lendemain, escortée de quatre cavaliers, elle quitta Lyon en litière, et huit jours plus tard elle était en Bretagne où Jean de Laval, époux vraiment singulier, l’accueillait à bras ouverts.
Louise de Savoie se félicita de cette première victoire qui lui faisait bien augurer de l’avenir. Mais elle était moins heureuse des bruits qui couraient le royaume. En effet, sa présence à la tête de l’État n’était pas sans effrayer le menu peuple qui ne se cachait pas pour l’accuser clairement d’être responsable du désastre de Pavie et de la captivité du roi.
— C’est à cause de son amour pour le connétable, disait-on, que notre gentil sire est prisonnier des Espagnols, et aussi que nos frères et nos maris sont morts à Pavie.
Et, devant le tort qu’avait causé à l’État « certaines faiblesses attachées à son sexe », les plus hardis ne craignaient pas de dire hautement que « M me d’Angoulême n’était qu’une putain ».
Ces propos désobligeants et ces accusations ne couraient pas seulement dans le peuple. « Il n’y avait personne à la Cour qui n’imputât la source de ces maux à la comtesse d’Angoulême », dit Dreux du Radier [87] .
Tandis que Louise de Savoie commençait ainsi sa régence, François I er était conduit en Espagne, où Charles Quint avait décidé de le garder.
Aussitôt, les Espagnoles, qui connaissaient la réputation du roi de France, furent comme saisies d’une espèce de folie amoureuse. Lorsqu’il arriva à Valence, on n’eût pas cru un prisonnier, mais plutôt un vainqueur, tellement la population féminine l’acclama. On organisa même des spectacles en son honneur, où des danseuses s’appliquèrent à être lascives, à tout hasard.
Au cours d’une de ces fêtes, le roi dansa avec la très jolie femme d’un seigneur de Valence. Celle-ci, tout en mettant un pied devant l’autre, au rythme lent d’une suave musique, se montra douce, disponible et si caressante que, lorsque la danse fut terminée, on entendit François I er lui dire gaillardement :
— Madame, vous m’avez fait tant d’honneur gracieux que je ne sais comment le récompenser. Toutefois, me trouverez à votre commandement.
Cette façon de dire en public : « Madame, quand vous voudrez ; j’entre dans votre lit au moindre signe de vous », fit une grande impression sur l’assistance, et la dame fut jalousée.
Mais le roi de France suscita des passions plus pures. La fille du duc de l’Infantado, la belle Xiména, ressentit pour l’illustre prisonnier un amour si passionné que lorsqu’il se remaria en 1526, elle quitta le siècle et alla s’enfermer dans un couvent.
Un tel enthousiasme, de telles démonstrations de sympathie finirent par agacer Charles Quint, qui fit emprisonner François I er dans la plus grosse tour d’enceinte de Madrid [88] .
Finie la captivité dorée et chevaleresque ! Le roi de France se retrouva dans une cellule dont la fenêtre était garnie d’énormes barreaux de fer. En outre, comme le dit le duc de Lévis-Mirepoix : « des rondes, non plus formées par des danseurs, mais par des hommes d’armes, cernaient le pied
Weitere Kostenlose Bücher