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Les guerriers fauves

Les guerriers fauves

Titel: Les guerriers fauves Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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de l’alun d’Italie, du safran, de la cochenille et du pourpre d’Orient. Je repars avec quelques fourrures, de l’ambre gris et de l’ambre jaune de la Baltique. Tout de même, vous seriez mieux à bord de mon bateau. J’ai des passagers, moi aussi, et ils auront de quoi s’abriter du vent et des embruns, je ne suis pas sûr que vous en aurez autant sur l’esnèque.
    — Nous en avons vu d’autres, fit Hugues avec un sourire. Mais quels passagers osent se lancer sur un aussi long et périlleux voyage ?
    — Un pèlerin qui va à Compostelle, un poète, un moine, un chevalier... Et une femme qui doit trouver époux chez nous là-bas, en Sicile.
    — Une femme...
    — Oui, je crois d’ailleurs qu’elle loge ici, il n’y a pas tant d’auberges à Barfleur, et celle-là reste la meilleure. Mais je ne les ai pas encore vus, c’est mon capitaine qui s’occupe de tout cela.
    — Je crois que j’ai rencontré votre passagère, fit soudain Hugues en se rappelant la jolie brune aux yeux bleus qui lui avait ouvert sa porte.
    — Vraiment ?
    Le jeune Lombard s’était penché vers l’Oriental.
    — Et que m’en dites-vous ?
    — Rien.
    Voyant la mine étonnée de son interlocuteur, Hugues ajouta :
    — J’évite de parler des femmes. « L’arbre du silence, disent les Arabes, porte les fruits de la paix. »
    — Vous êtes un homme avisé, messire de Tarse. Seriez-vous natif de Sicile, vous aussi ?
    — Je suis gréco-syrien. Et né à Antioche. Et si vous nous parliez de Syracuse ?
    — Syracuse...
    Hugues et Tancrède sentirent l’émotion vibrer dans la voix du Sicilien à l’énoncé du nom légendaire.
    — J’y suis né. C’est une ville fascinante. Je pourrais vous en causer des heures, mais si vous en êtes d’accord, je ferai mieux...
    Il parut s’abîmer dans une profonde réflexion, puis jeta :
    — Prenons le pari que je vous la ferai visiter un jour... Je sais que le serpent doit nous escorter jusque là-bas, mais vous-mêmes, devez-vous débarquer avant ?
    — Non. Nous allons à Syracuse tout comme vous.
    Giovanni se mit debout et, levant son pichet, déclama :
    — Alors, conjurons les dangers du voyage qui nous attend et acceptez de venir dîner chez moi à Syracuse... Disons dans deux mois d’ici !
    La bonne humeur du Sicilien était contagieuse. Hugues ne put s’empêcher de sourire à cette proposition, et les deux compagnons cognèrent leurs pichets contre celui du marchand.
    — Nous acceptons.
    — Bien, maintenant que vous avez accepté, fit-il en baisant la médaille qu’il portait autour du cou avec un chapelet d’amulettes, je suis tranquille, nous arriverons en Sicile.
    Au moment où il prononçait ces mots, le prévôt entra, suivi de son chien, et s’avança sans hésiter vers leur tablée.
    — Salut à vous, messires.
    Immobile derrière son maître, le grand chien les observait de ses yeux vairons. Tancrède se fit la réflexion qu’il n’avait jamais vu bête aussi effrayante que celle-là.
    — Messire prévôt, vous partagerez bien un pichet avec nous ? proposa le Lombard.
    Le visage d’Eudes était sévère. On sentait qu’il n’était pas là pour son plaisir et qu’il aurait préféré de beaucoup regagner son lit. La journée, comme les précédentes, avait été rude, entrecoupée de bagarres entre marins, de querelles entre marchands, de plaintes de notables... Comme souvent, avant le départ des navires, les passions s’exacerbaient.
    — En d’autres occasions, maître Délia Luna, ce serait avec plaisir. Mais je cherche après des hommes qui se sont battus sur le port.
    Le Lombard n’avait pas bronché. Eudes détailla ses deux compagnons et leurs vêtements souillés. L’un était de type oriental et l’autre aussi blond et grand qu’un Norvégien avec une peau sombre de Sarrasin et le regard vert. Il les avait croisés à plusieurs reprises, sans vraiment avoir eu le temps de se renseigner sur eux.
    — J’ai trouvé un vrai charnier près des entrepôts, reprit-il, la main sur la garde de son épée. D’après les marins survivants, ceux qui ont fait ça n’étaient que deux et ils portaient des vêtements orientaux.
    — Vous avez trouvé ceux que vous cherchiez, messire prévôt, déclara Hugues en se levant.
    — Je m’en doutais, messire, en voyant l’état de vos habits. À qui ai-je l’honneur ?
    — Mon nom est Hugues de Tarse, et mon compagnon est sire Tancrède. Quant au charnier, je

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