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Les guerriers fauves

Les guerriers fauves

Titel: Les guerriers fauves Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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espace qui, pour lui, n’en avait plus.
    Il ne savait décrypter la danse des nuages ni celle des vagues, ni observer les poissons et les oiseaux comme il l’avait vu faire au pilote. Alors, il écoutait et regardait, impatient d’apprendre les noms et les usages de ce monde nouveau qui s’ouvrait à lui.
    Il marcha avec précaution vers l’avant, se courbant pour éviter les mouvements brusques de la voile, trébuchant dans les cordages. Il découvrait à chaque instant l’étonnante souplesse du navire et comprenait mieux le nom de « serpent » que le stirman lui donnait. La coque épousait chaque mouvement de houle. Jamais elle ne heurtait la crête des lames, elle glissait dessus. Elle était vague elle-même.
    Il leva la tête et contempla un instant la girouette dorée qui indiquait la régularité du vent d’est qui les poussait. Les hommes avaient rentré les avirons et refermé les trous de nage, fixant leurs boucliers au plat-bord par des courroies de cuir.
    Hugues était assis près de l’étrave, non loin du pilote, son style et sa plaquette de cire à la main, l’air rêveur.
    Tancrède le rejoignit et s’adossa à l’abri des embruns, observant la façon dont le stirman manoeuvrait l’énorme gouvernail placé sur le flanc gauche de l’esnèque. Il apercevait la forme trapue du navire de charge loin derrière eux, sous voile lui aussi.
    Très à l’aise, les rameurs, assis sur leurs coffres, plaisantaient entre eux. C’étaient pour la plupart de jeunes et robustes Norvégiens comme Harald et Knut et ils discutaient en norrois, une langue que Tancrède ne comprenait que très mal.
    A l’écart se tenaient Magnus et ses hommes. Vêtus de cottes d’épais drap noir que recouvrait un gilet de peau de loup, leurs haches de guerre en travers du dos, ils restaient silencieux et ne se mêlaient pas à l’équipage, sauf pour ramer quand il le fallait.
    Tancrède voyait mieux maintenant celui qu’il n’avait qu’entraperçu la veille dans la pénombre de l’auberge :
    Magnus le Noir, un géant au crâne rasé, le visage couturé de cicatrices.
    L’homme se sentit observé et, un court instant, leurs regards se croisèrent. Tancrède détourna le sien, mal à l’aise. Il n’y avait pourtant pas de menace dans les yeux du guerrier. Une main se referma sur son épaule et il sursauta. Ce n’était qu’Hugues.
    — Mieux vaut éviter de les regarder, lui conseilla l’Oriental en l’entraînant avec lui.
    — Je n’ai jamais vu des yeux comme ceux-là !
    — Vous avez pourtant déjà fermé les yeux des morts, rétorqua Hugues. Ceux-là le sont déjà. Les hommes de sang sont des morts en marche.
    — Vous m’avez dit que vous me parleriez d’eux...
    — Mais nous n’avons guère eu de temps ni de calme pour le faire.
    — Vous disiez qu’il ne restait rien de vivant après leur passage...
    — C’est vrai.
    Le visage d’Hugues s’était assombri. Il semblait regarder en dedans de lui-même et c’est d’une voix sourde qu’il déclara :
    — Ceux que j’ai rencontrés dans les Pouilles s’habillaient de peaux d’ours ou de loup comme ceux-là. Ils se nommaient entre eux « bersekirs ». Je crois qu’en norrois cela veut dire « chemises d’ours ». Ils revendiquent leur appartenance à une ancienne élite guerrière. On les dit capables de prouesses sans égales. Je les ai surtout vu faire preuve d’une terrible fureur...
    L’Oriental s’était tu comme si le souvenir des combats passés était devenu trop dur à évoquer.
    — Racontez-moi ! insista Tancrède que tant de réticences intriguait.
    Hugues se rapprocha de lui et baissa la voix, lui parlant comme en confidence :
    — Je venais d’avoir dix-huit ans, j’étais jeune, impatient, Venosa a été mon premier baptême du sang. Mais il faut d’abord pour que vous compreniez que je vous raconte la défaite de Nocera... L’Italie du Sud, même du temps du grand roi, a toujours été un lieu de rébellion et de batailles. Pourtant, cette année-là, le chroniqueur Falcon de Bénévent a écrit : « La lune a pris tout à coup la couleur du sang. » L’armée de Roger II de Sicile avait mordu la poussière à Nocera et lui-même, le grand roi, avait dû fuir comme un misérable avec seulement trois de ses hommes pour se réfugier à Salerne. Il revint l’année suivante, bien décidé à se venger de cette terrible humiliation. C’était en mai 1133. Je me souviens des amandiers en

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