Les guerriers fauves
avant, ces deux-là auraient dû mourir en même temps, tués de la main des pirates pendant l’assaut.
— Oui, approuva Magnus qui était, tout comme ses compagnons, suspendu aux lèvres de l’Oriental.
— Avant l’attaque, ils sont trois sur le knörr. Le sondeur, le mousse et Bjorn, qui les rejoint bien avant que ce ne soit son quart. L’enfant est exténué. Il a travaillé dur toute la journée, il y a eu la tempête et, malgré les ordres de Giovanni, Bjorn prend sa place et l’envoie se coucher. Il m’a dit avoir entendu sonner l’office de complies, à ce moment-là.
— Nous sommes donc loin de l’attaque des pirates, murmura Harald.
— Oui. Ensuite, nos assaillants escaladent le plat-bord, tuent le sondeur, essayent de trancher la gorge de Bjorn. Je le rejoins alors qu’il fait face à deux autres pirates. Nous allons nous battre quand retentit un appel, nos adversaires sautent par-dessus bord dans les eaux du fleuve et disparaissent.
— Vous voulez dire qu’à aucun moment ils ne sont allés dans le dortoir ?
— C’est cela.
— Mais qui... commença le pilote.
— Le mousse a donc été tué avant l’attaque.
— Ce qui semble impossible, à moins que l’assassin ne se soit dissimulé dans la pénombre du dortoir pendant l’attaque et ne soit parti ensuite à la faveur du remue-ménage qui s’est ensuivi.
— Mais pourquoi ?
— Patience. Revenons à notre mousse. Bjorn lui ordonne d’aller se coucher. Il va donc sans se faire prier à sa couche. Je le trouve torse nu sur le sol, face contre terre. Le cadavre est déjà froid et commence à se raidir. Pourquoi s’est-il déshabillé, à votre avis ? Tancrède ?
— Tout comme nous, il a essuyé la tempête et la pluie ensuite. Sans doute est-il trempé ? Il veut changer de chainse ?
— Les mousses n’ont guère autre chose que ce qu’ils portent sur eux. Il a travaillé dur, je crois plutôt qu’il aurait dû tomber tout habillé dans son branle et s’endormir d’un coup. Mais ce n’est pas le cas... Il obéit à l’ordre de quelqu’un qu’il connaît, ou qui le tient en respect avec une arme.
Sous la tente, le silence était total. Tout le monde retenait sa respiration, cherchant à comprendre où voulait en venir le Gréco-Syrien.
— Voyez-vous d’autres blessures, Tancrède ?
Le jeune homme examina les mains, les jambes, puis retourna le corps. Le dos était recouvert d’une plaie recouverte de sang coagulé.
— Nous y voilà, fit Hugues. Magnus, auriez-vous de l’eau ?
— Oui, répondit le guerrier en allant chercher un seau de cuir posé au pied de son lit de camp.
Avec délicatesse, l’Oriental nettoya la plaie, découvrant les entailles faites dans la chair.
Tancrède avait pâli. Il se rappelait soudain ce qu’il avait cherché, la description faite par le prévôt des meurtres de Barfleur, le coup mortel donné par une lame longue et fine comme celle qui avait frappé P’tit Jean.
La bête de Barfleur...
Hugues demanda aux quatre hommes d’approcher. La lueur des flammes éclairait des lettres creusées dans la chair. Les trois lettres : V R S.
— Qu’est-ce que c’est que ça ? s’exclama Pique la Lune.
— Ce que veulent dire ces lettres, nous ne le savons pas encore, répondit Hugues. Par contre, nous allons devoir faire face non seulement aux pirates et à un traître, mais aussi à un assassin de la pire espèce. Un tueur d’enfants.
— Le loup de Barfleur ! s’écria Harald. Je me souviens, on en parlait à l’auberge. Les gens pensaient même que c’était le chien du prévôt !
Le stirman haussa les épaules et ajouta :
— Les chiens ne tuent pas avec une lame !
— Non, dit Hugues.
Puis, il leur raconta tout ce qu’il savait sur les meurtres. L’Orcadien cracha par terre.
— Qu’un homme fasse ça de sang-froid ! C’est un lâche. Il mérite la mort !
— Et si l’assassin et le traître étaient une seule et même personne ? demanda soudain Tancrède.
— C’est possible, mais je ne le crois pas.
— Pourquoi Eudes ne m’a-t-il pas expliqué tout cela ? s’interrogea le stirman.
— Le prévôt n’était sûr de rien. Mais maintenant, il n’est plus temps de douter. Celui qu’on surnomme le loup de Barfleur est parmi nous !
37
Les tambours de guerre résonnaient. Un battement sauvage et rauque qui portait loin et qui couvrait l’appel de la cloche de l’abbaye. Des fagots formant une large
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