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Les guerriers fauves

Les guerriers fauves

Titel: Les guerriers fauves Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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plate-forme s’empilaient à la place du camp de toile. Tout autour étaient disposées des pierres dessinant la forme de l’esnèque, de larges branches figurant les rames. Le vaisseau de pierre était prêt à lever l’ancre pour l’au-delà.
    Les guerriers fauves, vêtus de leurs habits noirs, les haches dans le dos, les visages et les mains noircis à la suie, faisaient cercle, chantant en norrois. Derrière eux s’étaient rangés les marins de l’esnèque, Harald, Knut, Hugues et Tancrède. Le roulement s’était tu. Tous s’écartèrent pour laisser passer quatre hommes portant les cadavres sur leurs boucliers. Ils pénétrèrent à pas lents dans l’enceinte de pierres et les déposèrent sur le bûcher.
    Les tambours reprirent, plus fort encore, et Magnus le Noir s’approcha. La lueur du flambeau qu’il tenait à la main se reflétait sur le bronze du casque viking qui enserrait son crâne et recouvrait l’arête de son nez. L’Orcadien portait autour du cou un torque, insigne de son rang, et une broche émaillée fixait son manteau à l’épaule droite.
    Après s’être incliné devant lui, l’un des guerriers saisit la torche et la posa sur les fagots aux pieds des défunts.
    Tout d’abord il ne se passa rien, puis le bois se mit à craquer, des étincelles coururent sur les branches, et des flammèches rouges. Les battements des tambours devenaient plus rapides.
    Tancrède avait l’impression que son coeur sautait dans sa poitrine au rythme de cette mélopée sauvage. À travers les fentes du masque, les yeux de Magnus fixaient les cadavres. Il leva les mains. Les flammes se levèrent d’un coup comme une vague de cent ans, léchant les cadavres, les effaçant du monde des vivants pour les porter d’un coup au royaume des morts. Magnus improvisa un chant sur la mort de ses hommes et déclama une strophe dont le vent emporta les singulières paroles.
    Comme en répons à cette singulière cérémonie, la cloche de Maillezais résonna sur les marais et les prairies. L’abbé faisait donner l’office des morts avant d’enterrer les corps qui lui avaient été confiés.
    Malgré la chaleur intolérable du feu dont les flammes montaient si haut qu’on les voyait de la haute mer, Magnus resta le dernier près du bûcher incandescent, contemplant les formes noircies avant de souffler dans son cor pour donner le signal du départ. Une odeur de chair grillée flottait dans l’air. Bien des heures plus tard, la fumée était encore visible de l’embouchure.
    Les deux bateaux regagnèrent la haute mer et, longeant les côtes aux falaises basses, filèrent vers La Rochelle.
    Une multitude de barques de pêche et de galées croisaient dans ces parages. A tribord se dessinait l’île de Ré. Ils longèrent la seigneurie de Laleu, dépassèrent le port du Plomb, puis obliquèrent vers l’entrée de la rade. Les chenaux d’entrée du port de La Rochelle étaient peu profonds et Pique la Lune dirigeait la manoeuvre. Les ailes blanches des moulins succédaient aux marais salants.
    Comme souvent après les grandes tempêtes, le soleil étincelait sur les vagues et le ciel était d’un bleu de glace.
    Hugues avait rejoint le Lombard à bord du knörr pour la fin de la traversée. Il se promenait sur le pont, l’air songeur, quand Eleonor s’approcha de lui.
    — Le bonjour, sire de Tarse.
    L’Oriental s’inclina.
    — Bonjour, damoiselle de Fierville.
    — Nous approchons ! Je suis impatiente de découvrir cette nouvelle ville, fit la jeune fille dont la voix vibrait d’excitation contenue.
    — Auriez-vous déjà oublié les épreuves que nous venons de traverser ? demanda gravement l’Oriental.
    — Non, messire, non, protesta-t-elle. Je n’ai rien oublié. Mais je vis aujourd’hui et maintenant si intensément ! Vous autres, les hommes, avez l’habitude des voyages et des guerres de toutes sortes. Vous ne pouvez imaginer la vie de vos compagnes, de vos soeurs ou de vos mères, recluses entre les murs de leur manoir. Je n’ai quitté Fierville qu’une fois, pour aller à Caen. Et là, en quelques jours, je découvre le monde... C’est si beau, messire ! Je voudrais comme le poète Wace pouvoir le chanter.
    Puis, elle ajouta, et sa voix s’étrangla :
    — Et je me demande comment je ferai pour vivre à nouveau enfermée.
    Hugues était resté impassible, observant Eleonor de son regard sombre. Elle en prit soudain conscience et demanda :
    — Vous pensez que je suis

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