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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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jeune touriste venue d’Albany.
    Depuis son arrivée à Québec, elle répétait ces mots avec une lassante régularité. Le climat, l’architecture, les gens, le repas même, tout cela lui paraissait charmant.
    La maîtresse des lieux prenait place au bout le plus noble de la table. Au début de l’été, l’anglais appris chez les ursulines lui paraissait bien insuffisant. Au fil des jours, elle gagnait une nouvelle assurance. En face d’elle, { l’autre extrémité, Mathieu devait à son statut de locataire permanent et de parent de la propriétaire l’honneur de profiter du second meilleur fauteuil.
    Au moment où le jeune homme servait la soupe à sa voisine immédiate, celle-ci remarqua :
    — Vous avez fait la guerre ?
    Ses yeux fixaient sa main droite. Moins soucieux du regard des autres, il prenait lentement l’habitude de laisser son gant dans sa chambre.
    — Dans la région de Passchendaele.
    — Mon mari a été tué à cet endroit.
    Elle ne devait pas avoir tout { fait trente ans. L’homme chercha ses yeux des siens.
    — Je suis désolé, déclara-t-il.
    La visiteuse secoua la tête, incapable de prononcer un mot. Un long moment, tous les autres convives portèrent leur attention sur elle. Après une pause, le jeune homme tenta d’attirer sa voisine sur un autre terrain.
    — Vous venez de l’Ontario, je crois.
    — Kitchener.
    —: L’ancienne ville de Berlin.
    — Le nom a été changé pendant le conflit. Auparavant, en disant «Je viens de Berlin», mes concitoyens et moi faisions notre petit effet.
    La municipalité devait ce premier nom à des immigrants venus d’Allemagne. On avait préféré lui donner celui d’un politicien britannique quand l’expression du loyalisme impérial avait atteint son sommet.
    — Vous serez à Québec encore longtemps ?
    — Je retournerai à la maison dimanche. Je devrai reprendre le travail dès la semaine prochaine.
    Il s’agissait d’une jolie jeune femme, grande et mince.
    Coupés court, ses cheveux tendant vers le roux lui donnaient un air moderne. Mus par une étrange émulation, autour d’eux, les autres convives se lançaient dans une compétition insolite : c’était à qui alignerait le plus grand nombre de proches, réels ou imaginaires, morts à la guerre. Les Américains, engagés tardivement dans les combats, ne pouvaient l’emporter { ce jeu.
    De son côté, Mathieu cherchait des sujets de conversation anodins. Au dernier service, il était arrivé à la faire sourire à quelques reprises.
    En posant sa tasse de thé dans la soucoupe, il proposa :
    — Puis-je vous inviter à marcher un peu sur la terrasse Dufferin ? Si le temps reste beau, il y aura de la musique.
    — Ce sera avec plaisir. Je vais d’abord passer dans ma chambre.
    — Je vous attendrai au salon.
    Au moment où ils se levaient, Elisabeth demanda en français à son neveu :
    — Je peux te parler un moment?
    — Bien sûr.
    — Le temps d’aider un peu { desservir..
    La touriste de l’Etat de New York laissa de nouveau tomber un «It’s so charming». Pour elle, pouvoir s’exprimer dans deux langues paraissait extraordinaire.
    Un moment plus tard, la propriétaire des lieux vint s’asseoir dans un fauteuil du grand salon placé près de celui de Mathieu.
    — Edouard m’a demandé hier si tu accepterais d’aller le rencontrer au magasin, commença-t-elle.
    Au moins une fois par semaine, elle allait souper rue Scott. Elle évitait soigneusement de s’y présenter le dimanche, un jour où Eugénie pouvait s’y trouver aussi.
    Même quand celle-ci était { la campagne, elle s’en tenait {
    cette nouvelle routine. Cette précaution lui valait de ne pas avoir vu sa belle-fille depuis plusieurs semaines.

    — Vous savez pourquoi ? demanda le neveu.
    — . . Il ne me l’a pas dit.
    Mathieu garda ses yeux dans les siens, un sourire incrédule sur les lèvres.
    — . . Mais je pense qu’il souhaite racheter la part du magasin PICARD que tu possèdes. Cependant, je tire là une conclusion sur la base de conversations passées. Il ne me l’a pas dit vraiment.
    Si son beau-fils avait voulu acquérir sa propre part, cela lui semblait une hypothèse plausible. Son interlocuteur laissa échapper un « oh ! » de surprise. La jeune Canadienne anglaise entrait justement dans la pièce.
    — Je passerai dans la journée lundi, dit-il en se levant.
    Bonne soirée.
    — Bonne soirée, Mathieu, et à vous aussi, madame.
    D’autres clients venaient s’asseoir dans le

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