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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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bordure de la grève, un peu { l’écart, un tronc d’arbre déraciné, blanchi par les ans, couché dans l’herbe, offrait un banc passable. Jeanne s’assit la première. Après avoir examiné les environs afin de s’assurer qu’aucun autre estivant ne se trouvait { proximité, Fernand vint la rejoindre. Un long baiser souligna leurs véritables retrouvailles. Il garda un bras autour de sa taille, demeura un long moment silencieux.
    — Même si cela n’est pas un véritable congé pour toi, je suis heureux de me trouver ici en ta compagnie pour une semaine. Marcher dehors, ou même me promener en voiture, me changera des actes de mariage et des testaments.
    — J’ai peut-être exagéré un peu, cet après-midi. Même si je dois m’attacher aux pas des enfants afin d’éviter les accidents fâcheux, je viens ici tous les soirs, quand tout le monde est couché. Cela me permet. . de penser à toi.
    — Nous tenterons d’en profiter un peu. J’ai enfin trouvé. . la chose.
    L’homme sortit une boîte circulaire de la poche de sa veste. Jeanne l’ouvrit, sortit un tube blanchâtre. Le contact sous les doigts rappelait une peau très mince, plus fine encore que le chevreau.
    — C’est de l’intestin de mouton, précisa l’homme { une question muette.
    — Evidemment, quand on y pense, c’est simple. Rien ne peut passer.
    Depuis des siècles, la crainte d’une grossesse inopinée forçait les femmes à la vertu. Ce couple illicite se contentait de jeux de mains depuis des mois, dans la demi-discrétion du salon de la grande maison de la rue Scott.
    — Où as-tu trouvé cette. . capote ? On désigne ça ainsi, non?
    — A la pharmacie Brunet, dans la Basse-Ville.
    — Ils vendent ce genre de chose ?
    — Comme tous les autres au courant de ce secret, ne le répète pas, sinon le cardinal Bégin ordonnera à tous les zouaves de la ville de s’emparer du pauvre commerçant pour le brûler vif en face de la cathédrale.
    Dans la pénombre, la jeune femme ouvrit de grands yeux horrifiés.
    — Tu n’es pas sérieux.
    — . . Non. Enfin, pas totalement. Toutefois, tu sais que c’est un péché d’«empêcher la famille». Le pharmacien serait ruiné si les curés se mettaient sur son dos.
    Fernand demeurait intrigué par les convictions religieuses de la domestique. Elle savait adopter les comportements attendus d’une femme de sa condition. D’un autre côté, elle s’était abandonnée avec une relative aisance, l’automne précédent.
    — Empêcher la famille, murmura-t-elle. Ces porteurs de soutane connaissent bien le sujet.
    La phrase portait suffisamment d’ambiguïté pour intriguer le jeune homme. La voir avec le condom tenu délicatement entre les doigts lui enleva toutefois l’envie de la questionner plus à fond.
    — Si c’est défendu, continua-t-elle, comment font-ils pour en vendre ?
    — Ils se cachent. C’est un peu comme pour l’alcool, je suppose. La loi le défend, mais les gens en achètent discrètement chez les cultivateurs, dans les arrière-cours des usines, dans les ruelles des taudis.
    Fernand marqua une pause, laissa glisser sa main dans le dos de sa compagne.
    — Tu veux l’essayer?
    En 1907, il s’était refusé { accompagner Edouard dans un bordel de Montréal avec une protection de ce genre, soucieux de se «préserver» pour Eugénie. Combien cette naïveté lui paraissait sotte, maintenant.
    La jeune femme fouilla l’obscurité grandissante du regard, puis susurra :
    — Ici, sur la grève ?
    — Il y a un bosquet, là-bas.
    Malgré l’inconfort, l’idée de se livrer { des privautés sur un tapis de feuilles humides ne rebuta pas la domestique.
    Elle en serait quitte pour ajouter une lessive discrète à l’ensemble de ses occupations. Techniquement toujours vierge, elle sacrifierait ce «trésor» sans état d’âme. Sans grand plaisir non plus. La jeune femme espérait toutefois que l’expérience rendrait l’exercice plus agréable, quand ils recommenceraient.

    *****
    À la mi-août, les touristes demeuraient aussi nombreux dans la ville. Elisabeth contemplait la longue table de la salle à manger. Toutes les chaises étaient occupées. Si la cuisinière regrettait d’avoir abandonné la demeure bourgeoise de la rue Scott, elle dissimulait très bien sa déception. Comme la petite bonne suffisait à peine à faire les chambres, une femme de charge s’occupait des travaux d’entretien les plus lourds.
    — Ifs so charming! déclarait une

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