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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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manivelle afin de faire démarrer la voiture. Antoine ouvrit de grands yeux admiratifs devant ce tour de force, avant de gagner sa place à l’arrière.
    — Nous allons faire un tour dans les paroisses voisines, annonça l’homme en se mettant au volant.
    À l’arrière, Jeanne prit Béatrice sur ses genoux afin de lui permettre de voir par la vitre. Le garçon régla la difficulté de sa petite taille en se mettant à genoux sur le siège.
    — Les travaux à la maison progressent-ils bien ? demanda la vieille dame.
    — La structure en bois a été montée. Il reste à construire les cloisons, faire le revêtement en brique, et ensuite tout l’aménagement intérieur.
    — . . Ce ne sera jamais terminé au moment de notre retour.
    — Il reste encore trois bonnes semaines aux ouvriers.
    L’entrepreneur m’a promis de livrer le tout début septembre.
    — Ces gens-l{ promettent n’importe quoi. Une fois les lieux transformés en chantier, tu n’auras pas d’autre choix que d’attendre et de payer.
    L’ampleur et le coût de ces travaux inquiétaient la vieille dame. Toute l’entreprise tenait au désir de son fils d’aménager les lieux
    afin
    de
    rendre
    possible
    la
    cohabitation
    de
    personnes résolues { s’ignorer. Cela lui paraissait un bien mauvais motif.
    — Je crois tout de même que cela en vaudra la peine, déclara Fernand en réponse { l’opposition muette de sa mère. Tu seras très bien au rez-de-chaussée et moi, j’y gagnerai une grande chambre confortable. Les enfants auront chacun la leur.
    Jusque-là, le trio occupait la même pièce. Les pleurs nocturnes du plus jeune troublaient le sommeil des plus âgés. Surtout, la morale réprouvait la présence de deux garçons et d’une fille dans une semblable promiscuité.
    Pendant deux heures, soulevant un nuage de poussière et effrayant les poules, la Buick roula d’un village { l’autre.
    Sans l’admettre { haute voix, la vieille dame convint de la supériorité de la voiture automobile sur celle tirée par des chevaux.
    En revenant { la maison, Fernand passa devant l’église paroissiale de Saint-Michel, puis il descendit vers le quai.
    L’assemblage de poutres et de pierres s’avançait dans le fleuve sur quelques dizaines de verges. Il stationna la voiture pour faire face { l’est. Sous leurs yeux, le vaste cours d’eau se donnait les allures d’une mer intérieure et, au loin, des îles faisaient naître des envies de voyage.
    — C’est beau, murmura madame Dupire. Quel dommage que je ne puisse marcher jusqu’ici depuis la maison.
    Je viendrais souvent.
    — Tu veux descendre ?
    — . . Non. Mais vas-y, toi.
    Après tout ce temps en voiture, ses articulations risquaient de se révolter contre cet effort. Fernand sortit, ouvrit la portière arrière pour permettre aux enfants de se dégourdir les jambes. Un moment plus tard, debout sur le quai, les yeux perdus au large, il demanda à la domestique :
    — Comment les choses se passent-elles ?
    La question, bien vague, lui valut une réponse précise.
    — C’est comme { la maison. Elle s’enferme, s’isole.
    — Elle s’occupe des enfants ?
    — Peut-être un peu plus qu’{ Québec.
    Le nouveau contexte, le calme de la campagne, le chant des oiseaux, le plaisir de voir les enfants exposés à de multiples découvertes, tout cela ne suffisait pas à la faire sortir de sa morosité habituelle.
    Une étrange faculté bien masculine permettait à Fernand de se masquer une part de la réalité. La proximité de sa maîtresse ne disposait pas sa femme à assumer son rôle d’épouse et de mère. Bien rationnellement, aux yeux de cet homme, elle ne pouvait se fâcher de voir une autre se contenter de ce gros corps qu’elle avait rejeté quelques années plus tôt. La situation se révélait bien plus complexe.
    — Et toi, te plais-tu ici ?
    — Tu. . vous savez, pour moi, la campagne ne présente rien de nouveau.
    L’alternance des moments d’intimité, pendant lesquels prévalait le tutoiement, et le formalisme de la vie de tous les jours amenaient Jeanne { commettre ce genre d’erreur.
    — Bien sûr, Saint-Michel est bien plus riche que Charlevoix. Regardez.
    Elle lui désignait l’arc décrit par la baie, une rangée de maisons blanches au toit de tôle sur la rive.
    — Mais même plus riche, c’est une paroisse comme la mienne. Puis, je fais ici le même travail qu’{ Québec.
    — C’est vrai. Les vacances des enfants peuvent même représenter une

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