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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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boucle.
    Quand l’avion passa au-dessus de l’ouvrage d’ingénierie en présentant ses roues au ciel, tous les spectateurs, debout, le cou cassé pour ne rien perdre de l’action, retinrent leur souffle. Quand le pilote ferma le grand cercle, les applaudissements fusèrent.
    — Je suis venu surtout pour cela. Il s’agit du lieutenant Vézina, un
    as
    de
    la
    Grande
    Guerre.
    Ces
    gars
    sont
    extraordinaires.
    Mathieu ne voulut pas discuter des mérites comparés des fantassins et des aviateurs. Les seconds lui paraissaient avoir eu la vie facile, à la guerre. . et plus que leur lot de conquêtes féminines lors des permissions. Le train s’arrêta sur la rive, les passagers descendirent. Le maire Lavigueur monta sur une espèce de caisse, attendit que les spectateurs fassent silence avant de commencer de sa voix de basse :
    — Votre Altesse royale, le peuple du Québec éprouve une extrême fierté de vous recevoir pour cette inauguration officielle. .
    Edouard n’écoutait pas vraiment les mots convenus. La vue du premier magistrat de la ville le ramena de nouveau au moment de la mort du fils de ce dernier, Louis. La grippe espagnole lui paraissait encore comme une affreuse loterie.

    Les uns étaient morts et les autres, non.
    Quand le maire Lavigueur abandonna le petit podium, le visiteur de marque lui succéda, une silhouette longue et frêle vêtue d’une redingote noire et d’un pantalon gris. Il commença dans un français impeccable :
    — Monsieur le maire, messieurs les premiers ministres, messieurs les invités, je vous remercie pour l’honneur que vous me faites de m’inviter..
    La voix du prince portait moins bien que celle de son prédécesseur. Les personnes présentes tournaient un peu la tête, comme pour tendre l’oreille. Le discours se termina sur une allusion au prince Arthur, venu en 1860 pour l’inauguration du pont Victoria, le premier à permettre à des trains de franchir le Saint-Laurent.
    — Tu te rends compte, observa Edouard, soixante ans plus tard, nous en sommes seulement au second.
    Les progrès lui semblaient terriblement lents à venir. Le prince termina son intervention. Lorsqu’il regagna sa voiture, une commotion se produisit du côté de la foule massée derrière le cordon de sécurité. Une fillette de dix ans environ trompa la vigilance des policiers, s’élança en courant vers les notables, un agent ventripotent à ses trousses.
    Dans l’entourage du prince, les membres de l’escorte se pressèrent autour du grand homme, comme si l’enfant présentait une menace mortelle. Les attentats meurtriers se produisaient en trop grand nombre pour courir des risques.
    L’héritier de la couronne les écarta en riant, afin de s’approcher de son admiratrice enthousiaste.
    Pauline Lebel lui tendait un petit carré en papier. Son Altesse royale se tourna vers un militaire chargé de décorations pour
    lui
    demander
    quelque
    chose,
    l’autre
    chercha
    un moment dans sa poche afin d’extirper un crayon.

    L’écolière retourna bientôt vers son père avec son trophée, les mots « Edward P » tracés par la main royale. Le visiteur de son côté
    monta
    dans
    sa
    voiture
    accompagné
    d’applaudissements frénétiques. Il lui faudrait encore s’astreindre à un souper de gala au Club de la garnison et à une réception à la Citadelle. Pendant ce temps, le bon peuple se contenterait d’un feu d’artifice sur les terrains de l’exposition provinciale.
    Les deux cousins attendirent que la foule se disperse un peu avant de regagner la Ford. En s’assoyant derrière le volant, après avoir actionné la manivelle, Edouard demanda enfin :
    — Tu as réfléchi à ma proposition ?
    — A propos des actions ?
    L’autre hocha la tête.
    — Je les garde. Aussi longtemps que tu réalises des profits, je n’ai aucune raison de vendre. Et si un jour tu commences { perdre de l’argent, plus personne ne voudra les acheter.
    Un moment, le marchand eut envie de reprendre ses arguments. Un regard oblique vers son passager le convainquit de ne pas gaspiller sa salive.

    *****
    Le dimanche, { l’heure convenue, Mathieu se présenta à la maison de chambres de Flavie Poitras, rue Saint-François. La jeune fille devait surveiller le trottoir depuis une fenêtre, car elle ouvrit la porte sans lui donner le temps de manipuler le heurtoir de bronze.
    — Mademoiselle, je suis heureux de vous revoir, prononça-t-il en tendant la main.

    Elle lui donna la sienne en le

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