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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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corps. Du haut de ses six pieds, la proposition paraissait absurde.
    — Non, mais vous êtes en âge de prendre en charge ce magasin pour permettre à votre mère de se reposer. Elle a travaillé tellement fort pour vous élever, vous et votre sœur.

    — Soyez certaine que je lui ferai part de votre opinion.
    Mathieu regarda au-dessus de l’épaule de la mégère pour demander à la cliente suivante :
    — Madame, je peux vous aider ?
    A quelques pas, Thalie maîtrisait difficilement son envie de rire. Elle s’approcha pendant une accalmie.
    — Tu deviens un ange de patience.
    — Je me console en songeant que je retrouverai mes vieux dossiers le lendemain de l’Epiphanie. Mais maman doit devenir folle, à entendre toute la journée : «Elle devrait s’occuper de son ménage. .»
    Il avait imité la voix d’une ménagère acariâtre.
    — Aucune d’entre elles n’ose sans doute formuler cela en sa présence.
    — Ou alors elle jouit de l’extraordinaire faculté de devenir sourde quand cela lui agrée.
    Thalie changea abruptement de sujet pour demander en baissant le ton :
    — Voudras-tu souper avec nous ce soir ?
    — Et profiter de la présence de notre banquier ?
    — Non, le gentil Gérard a aussi une famille.
    Des bruits de pas résonnèrent dans l’escalier, Amélie se pencha un peu pour voir le comptoir et la caisse enregistreuse.
    — Mathieu, veux-tu souper avec nous ? demanda-t-elle à son tour, avec un bel à-propos.
    — C’est demandé si gentiment, je ne peux pas dire non.
    La jolie blonde lui adressa son meilleur sourire avant de tourner les talons.
    — Je vais aller avertir Gertrude, annonça-t-elle en grimpant vers l’appartement.
    Françoise descendit { son tour, s’approcha en affichant un sourire un peu intimidé.
    — C’est gentil de nous tenir compagnie. Mais ne souhaites-tu pas rejoindre ton amie ?
    — Mon cousin est moins bon patron que moi : le magasin à rayons ne fermera pas avant neuf heures, peut-être dix, et elle a été recrutée pour travailler sur le plancher.
    — N’est-elle pas secrétaire ?
    — Cela ne l’empêche pas d’offrir ses services { la vente s’il y a un surcroît de clients.
    Tous les deux prenaient l’habitude de la situation sentimentale de l’autre. Peut-être joueraient-ils au bridge à quatre avant la fonte des neiges. Thalie regarda la montre à son poignet, puis remarqua :
    — A moins de souhaiter concurrencer Edouard toute la soirée, nous pourrions fermer.
    — Tu as raison. De toute façon, nous n’avons plus de clientes.
    Sur ces mots, Françoise monta { l’étage.
    — Je vais dire à la vendeuse de partir tout de suite.
    Un peu après sept heures, Mathieu put enfin baisser le store et tourner la clé dans la serrure.

    *****
    Gertrude se réjouissait d’avoir un invité { table. Si elle voyait Mathieu régulièrement, elle n’avait plus de longues conversations avec lui, attablée dans la cuisine. En présence de Marie, elle n’osait lui poser des questions. Ce soir-là, elle chercha à en savoir le plus possible sur les tâches d’un stagiaire au bureau du procureur général.
    — Cela ne semble pas vraiment plus intéressant que le métier de vendeur, conclut-elle à la fin.

    — Cela ne l’est pas, mais je ne compte pas classer des lettres toute ma vie. C’est une sorte de préparation.
    — Pour faire quoi ?
    La question l’embarrassa un peu. Quand Alfred vivait encore, il déclarait souvent que l’étude du droit l’aiderait dans le monde des affaires. Par contre, le marchand ne lui avait jamais expliqué clairement comment il passerait de l’une { l’autre de ces activités.
    — Je vais tenter de me faire embaucher dans un cabinet d’avocats.
    La vieille domestique fronça les sourcils.
    — Tu veux dire que tu vas défendre les criminels ?
    La pauvre femme parcourait les journaux avec difficulté.
    Les seuls avocats parfois évoqués lui semblaient bien peu respectables. Ils faisaient cause commune avec les pires voyous.
    — J’espère plutôt défendre de grandes compagnies contre des concurrents. . ou des citoyens ordinaires.
    — Cela ne paraît pas tellement plus noble, commenta Thalie.
    — J’aimerais bien défendre la veuve et l’orphelin, tout comme toi tu aimerais soigner gratuitement tous les pauvres de la Basse-Ville. Mais dans la vraie vie, ce genre d’attitude ne permet guère de gagner raisonnablement sa croûte.
    Parfois, Mathieu se moquait gentiment de la notion un peu romantique du

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