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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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représentait un passeport pour le ciel aux yeux des pratiquants de la vraie foi. L’ecclésiastique marmotta de mystérieuses paroles en latin. Heureusement, aucun bruit de moteur ne déchirait plus les oreilles. Les compétiteurs, sales et hagards, s’approchaient plutôt en poussant leur monture à leur côté.
    Un instant plus tard, un homme nerveux, une petite mallette en cuir { la main, fendit la foule en clamant d’une voix autoritaire :
    — Éloignez-vous, vous l’empêchez de respirer !
    Devant l’abbé Buteau, le nouveau venu crut nécessaire de présenter ses lettres de crédit.
    —Je suis le docteur Bertrand. Quelqu’un s’est chargé d’appeler une ambulance. Elle va arriver dans un instant.
    — Je lui ai donné l’extrême-onction.
    Le scientifique acquiesça devant le représentant de Dieu, puis il se pencha sur le blessé pour mettre sa main sur son cou.
    — Son cœur bat toujours.
    Au moment où il commençait à détacher les boutons de la veste en cuir, une voix s’éleva au-dessus des rumeurs de la foule :
    —Jack ! My God, Jack !
    De nouveau, les curieux desserrèrent les rangs pour laisser passer une femme tenant un très jeune enfant dans ses bras. Elle se jeta sur ses genoux au moment où le marmot décidait de pleurer { s’en fendre les poumons.
    — Je vais le prendre, dit Marie en joignant le geste à la parole.
    L’autre se laissa dépouiller de son fardeau sans même lever les yeux, puis elle approcha son visage tout près de celui du gisant.
    — Oh! Jack, talk to me!
    Devant le silence de son mari, elle tira sur les revers de sa veste, fit mine de le relever à demi, comme pour l’asseoir.
    — Madame, ne faites pas cela. Vous risquez de le blesser.
    Dans les circonstances, les paroles du médecin paraissaient un peu ridicules. Toutefois, nul ne savait combien de fractures affectaient ce grand corps. Les deux mains du docteur Bertrand posées sur ses épaules, la femme éplorée abandonna son projet pour poser plutôt la tête sur la poitrine de son époux. Ses sanglots bruyants faisaient tressaillir tout son corps.
    L’attention des curieux fut bientôt attirée par le son d’un moteur. Une ambulance roulait sur la piste de course. A cause des risques inhérents à certaines activités de la journée, un véhicule se trouvait { l’entrée du terrain de l’exposition.
    Deux hommes en descendirent. Ils se munirent d’une longue planche avant de venir vers le blessé.
    — C’est un Anglais, précisa le médecin en aidant l’épouse à se relever. Conduisez-le au Jeffery’s Hale.
    Le praticien s’en tenait aux usages, les deux peuples ne devaient se mêler ni { l’école ni { l’hôpital. Les employés usèrent de mille précautions pour faire passer le corps de la banquette à la planche. Au moment où, sous les yeux de l’épouse en larmes, ils faisaient passer leur fardeau dans le véhicule, Marie tendit l’enfant tout en chuchotant en anglais :
    — Madame. . je vous souhaite bonne chance.
    Gênée par la souffrance toute nue livrée à son regard, elle s’esquiva bien vite pour aller se pendre au bras droit de Paul Dubuc. En soirée, le 25 juin, Jack Patterson rendrait l’âme sans avoir jamais repris conscience.

    *****
L’ambulance quitta la piste de course, laissant des centaines de spectateurs frappés de stupeur. Un mouvement de foule se dessina vers la sortie. Pour endiguer ce flot, les organisateurs s’emparèrent de porte-voix et se répandirent dans le vaste terrain pour hurler :
    — Malgré le malheureux accident, nous allons poursuivre les activités comme prévu. Ce sera une bonne façon de rendre hommage au valeureux sportif. Un médecin nous a livré des paroles rassurantes sur l’état du blessé.

    Ces mots eurent l’effet escompté sur la plupart des visiteurs. Paul Dubuc remarqua à haute voix :
    — Leur impudence est sans limites. Ce gros mensonge doit éviter de gâcher la belle fête.
    — Ils doivent parler de l’autre coureur, rectifia sa fille, le premier qui est tombé. Je l’ai vu s’en aller tout { l’heure, soutenu par des amis.
    Françoise tenait à présenter chacun sous son meilleur jour.
    — Que faisons-nous ? demanda le père.
    — Nous restons ici, répondit Amélie. Je suis triste pour ce pauvre homme, mais je veux profiter de cette fête.
    L’homme regarda Marie près de lui, résolu { respecter le choix de sa compagne. Celle-ci hocha la tête pour lui signifier son assentiment. Le petit groupe regagna

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