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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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genre de civilités.
    — Oh ! Vous n’êtes pas mal non plus. . dans votre genre.
    Cette fois, les mâchoires masculines se crispèrent un peu.
    Mieux valait porter son attention sur un autre membre du groupe.
    — Mathieu, tu es enfin de retour au pays.

    Entre des hommes apparentés et à peu près du même âge, le tutoiement demeurait de rigueur. Le vétéran tendit sa main gantée en disant :
    — J’aurais mauvaise grâce { nier cette information.
    — L’un de ces jours, nous devrions discuter, tous les deux.
    — Je n’ai aucune intention de retourner { la guerre prochainement, donc une rencontre entre cousins ne posera pas de difficulté.
    Sur le mot «cousin», Edouard perçut une curieuse inflexion dans la voix de son interlocuteur. Comme il ne faisait pas mine de s’en aller, Marie ne put se dérober à l’obligation de faire les présentations :
    — Monsieur Paul Dubuc, un ami de la famille. Paul est avocat et député à l’Assemblée législative.
    Puis, { l’intention de son compagnon, elle précisa :
    — Edouard Picard était le neveu de mon défunt mari.
    — Je suis enchanté de faire votre connaissance.
    Les deux hommes échangèrent une poignée de main. Le nouveau venu remarqua :
    — Vous devez être très fier du succès du Parti libéral, hier. Nous avons connu une belle victoire.
    — Très belle, en effet. . Je vous présente mes filles, Françoise et Amélie.
    Chacune tendit sa main gantée en se disant: « Enchantée. » La cadette mit un enthousiasme un peu exagéré dans le ton utilisé, tout en se levant à demi. Le député laissa échapper un petit soupir.
    Celle-là s’enflammait un peu trop rapidement pour tout ce qui portait un pantalon : l’été offrirait sa part de discussions orageuses.
    Thalie n’allait pas, de son côté, perdre l’occasion d’une nouvelle petite pique :
    — Vous avez connu la victoire ?.. Vous n’êtes plus le fidèle Sancho Pança ?
    — Pardon ?
    — Sancho Pança, le faire-valoir de don Quichotte.
    Depuis ma naissance, du moins on me l’a dit, vous avez joué ce rôle auprès d’Armand Lavergne.
    Comme l’autre rougissait, Mathieu précisa :
    — Vous avez évoqué votre victoire libérale. Pourtant, le donquichottesque Lavergne n’a pas appuyé Lomer Gouin, cette fois-ci, mais plutôt ses adversaires.
    — Je ne m’intéresse pas aux convictions de ce monsieur.
    — Voyons, renchérit Thalie, je vous ai moi-même vu à ses côtés lors de toutes les manifestations contre la conscription.
    La conversation prenait une tournure inquiétante. Pourtant, elle revêtait un étrange côté thérapeutique. Pour la première fois depuis son retour, Mathieu arborait un sourire franc, aucune ombre ne voilait son regard.
    — Ma sœur évoque le héros de Cervantes. L’image me plaît.
    Votre comparse lançait de grandes entreprises contre les moulins à vent impérialistes. Fidèle, tu suivais assis sur un âne.
    — . . Empêcher les impérialistes d’enrôler de force des Canadiens français ne tenait en rien de la chimère. Ils voulaient anéantir notre nation dans les tranchées des Flandres.
    La voix devenait cassante, le visage se couvrait du rouge de la colère. Edouard put se ressaisir juste assez pour murmurer :
    — Mesdames, messieurs, je dois vous quitter, la course commencera bientôt.
    Il tourna les talons pour s’éloigner d’un pas raide. En pouffant de rire, Thalie remarqua { l’intention de Paul :
    — Si on gratte ce libéral, on trouve très vite un nationaliste.

    — Mais il est si beau, conclut Amélie.
    Le politicien secoua la tête. Marie vint à son secours en disant :
    — Allons voir cette course. Cela doit représenter le clou de la journée.

    *****
Si les personnes plus âgées et les amants des beaux animaux se pressaient au moment des courses de chevaux, les jeunes s’enthousiasmaient pour des montures pétaradantes et malodorantes. Les motocyclettes s’alignaient près de la ligne de départ, au nombre de quatorze.
    Les audacieux assez fous pour s’élancer sur la piste ovale ressemblaient { s’y méprendre aux « as » de l’aviation dont les photographies ornaient fréquemment les journaux. Ils portaient en effet des casques et une veste en cuir épais, destinés à prévenir des éraflures douloureuses en cas de contact trop violent avec le sol. Toutefois, ces minces protections se révéleraient dérisoires contre un impact brutal.
    — Nous ferions mieux d’éviter cette section des estrades,

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