Les héritiers
chose.
Dans la seconde partie éclairée de deux fenêtres, un lit, une commode, une coiffeuse et une chaise assortie offraient un confort relatif. Toutefois, les meubles vieillots et le papier peint très sombre donnaient un caractère austère à cet espace.
— Cela fait. . commença Marie.
— Sévère, conclut Elisabeth. Cela devra être refait en entier. Je ne garderai rien de ce que tu vois. Les fenêtres donnent sur la cour. Tout l’après-midi, la lumière du soleil entre à flot, comme tu peux le voir.
— Cela te fera un beau logis.
La veuve se mordit la lèvre inférieure. Bien sûr, elle pourrait connaître là un confort tout à fait satisfaisant. .
mais rien de comparable à la somptuosité de la maison bourgeoise de la rue Scott.
— Une salle de bain, je pense, continua Marie en désignant une porte au fond de la pièce. Un petit luxe pour les propriétaires des lieux. Je partage la mienne avec quatre personnes, ces jours-ci.
Le second étage se révéla identique au premier en tous points : quatre chambres plutôt petites, une suite de deux pièces, une salle de bain. Le troisième se trouvait sous les combles, le toit incliné réduisant l’espace disponible.
— Les domestiques logent ici, expliqua Elisabeth.
— Elles sont nombreuses ?
— Deux. Cela me semble compter un peu juste.
— Les locataires prennent-ils tous leurs repas ici ?
— Cela dépend. A midi, les députés mangent habituellement au parlement, les touristes doivent dénicher de petits restaurants au gré de leurs expéditions. Les étudiants reviennent certainement manger à la maison. Le soir, la plupart des locataires doivent être là.
Marie fit le compte rapidement, puis conclut :
— Il te faut une personne juste pour la cuisine. Une autre pour faire le ménage de toutes les chambres et des espaces communs.
— Selon le notaire qui se charge de la vente, l’entretien ne se fait pas tous les jours, dans le cas des locataires à la semaine ou au mois.
— Dans votre grosse maison, vous avez combien de domestiques ?
— Deux.
En prononçant ce mot, la veuve esquissa un sourire.
Pour justifier leur présence, ces femmes multipliaient les attentions envers les membres de la famille. Dans un endroit comme celui-ci, elles iraient plutôt au plus pressé.
— Les propriétaires devaient assumer une bonne part des travaux, expliqua Marie. Si tu restes avec un pareil effectif, tu devras payer de ta personne.
Les visiteuses jetèrent un regard sur les deux chambres de bonne, très sommairement meublées, et une troisième guère mieux pourvue.
— Celle-ci accueillait un étudiant. Tu sais, de septembre à mai, les plus petites chambres sont occupées par des garçons de l’Université Laval, les plus grandes par des députés ou des employés peu disposés à entretenir un intérieur.
— Cela ressemble en effet au logis de Paul à Québec.
L’existence de cet homme dans la vie de sa belle-sœur avait occupé une longue conversation un mois plus tôt.
Elisabeth ouvrit une dernière porte afin de montrer une pièce un peu plus grande que les précédentes, éclairée de deux lucarnes donnant sur la cour. En plus du lit, d’une commode et d’un vieux fauteuil, un bureau, des étagères et deux chaises permettaient à un jeune homme appliqué de faire avancer ses études.
— Jusqu’au mois dernier, un jeune interne en médecine a logé ici, expliqua Elisabeth. Voilà toute cette maison.
La grande blonde marqua une hésitation avant de demander :
— Qu’en penses-tu ?
— Allons nous asseoir dans le parc, le temps est beau.
Le bruit de leurs pas dans l’escalier alerta le notaire. Il les reçut dans le petit hall.
— Alors, madame Picard, ferons-nous des affaires ensemble ?
— Comme je vous l’ai déj{ dit, mon conseiller regardera les livres, je vous donnerai une réponse au cours de la semaine prochaine.
L’autre dissimula sa déception. Le décès du notaire Dupire retarderait irrémédiablement la transaction. Après les salutations d’usage, les deux femmes sortirent pour aller occuper un banc dans le jardin des Gouverneurs. Après un moment, la veuve insista :
— A ma place, achèterais-tu cette grande maison ?
— Cela me paraît une demeure solide et bien construite.
Cependant, si j’étais toi je donnerais cinq dollars { un entrepreneur en construction pour qu’il visite les lieux, de la cave au grenier. Cela te permettra de savoir si des rénovations te pendent au bout
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