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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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doit retourner chez lui, en fin de soirée. Tant mieux, j’ai le sommeil léger.
    Marie tendit la main au-dessus de la table afin de toucher celle de la vieille bonne.
    — J’aimerais quand même connaître la nature des arrangements pratiques, précisa celle-ci, et mon propre sort dans cette histoire.
    — Paul viendra habiter ici au début de la session, à l’automne. L’été venu, et avec régularité toute l’année, il ira courtiser ses électeurs de Rivière-du-Loup. Je l’accompagnerai quand cela sera possible.

    Gertrude gardait les yeux fixés sur sa patronne.
    — Cela ne changera rien pour toi, précisa-t-elle encore, sauf qu’il y aura de nouveau un homme dans la maison. Ces deux-là partis, la place ne manquera pas.
    Son sourire adoucit un peu les derniers mots. Mathieu préféra ne pas lui en tenir rigueur.
    — Françoise demeurera à ton emploi ? questionna-t-il.
    — Dans les circonstances, je ne peux plus m’en passer.
    Si elle m’annonçait vouloir partir aussi en septembre, je serais un peu désemparée.
    La femme tenait à souligner à grands traits son sentiment d’abandon. Gertrude ruina un peu l’effet escompté.
    — Et la jeune évaporée ? La blonde ?
    — Paul ne peut pas la laisser seule à Rivière-du-Loup tout l’hiver. Elle vivra ici.
    — En réalité, si elle demeurait là-bas, le curé voudrait la faire exorciser, commenta le jeune homme en riant.
    — Il y a aussi le goudron très chaud et les plumes de poulet, renchérit Thalie.
    La mère posa sur eux un regard sévère, puis elle commenta :
    — Vous exagérez.
    — A peine, consentit Mathieu. Je me souviens de son attitude, le jour de la Saint-Jean.
    La domestique demanda encore :
    — Va-t-elle travailler au magasin aussi ?
    — Si elle le désire. Je suppose, sinon, elle risque de s’ennuyer.
    La jolie blonde avait fait l’objet de longues conversations entre Marie et Paul. La laisser seule avec tante Louise paraissait un châtiment bien cruel. Puis le père préférait la tenir { l’œil. Ses fréquentations feraient l’objet d’une surveillance attentive.

    — Si elle occupe un emploi de vendeuse, ouvre un rayon d’articles pour hommes. Tiens, des chapeaux. Elle attirera son lot de clients.
    Mathieu souligna ses mots d’un gros clin d’œil { l’intention de sa mère.

    * * *
    La maison se trouvait { l’extrémité du village, sur un large terrain herbeux. De grands arbres procuraient une ombre bénéfique. D’autres, plus petits, portaient des pommes ou des prunes. Pour Antoine, cela avait été une révélation importante : la nourriture poussait dans les arbres, ou dans le sol. Il prendrait conscience un peu plus tard de l’origine de la viande. La découverte lui procurait un plaisir mitigé.
    À cet instant, il dormait profondément dans une chambre à l’étage, partagée avec sa sœur et son frère.
    — Heureusement, déclara Fernand, cette demeure est assez grande pour tout le monde. Je l’ai trouvée sur la recommandation d’un voisin, sans l’avoir vue.
    — Nous avons tous un bon lit, commenta Jeanne.
    — Tout de même, voir maman partager la chambre de ma vieille gouvernante me gêne un peu.
    Cet arrangement lui évitait toutefois de monter un escalier un peu raide, aux marches rendues glissantes par des passages répétés au cours des dernières décennies.
    — Aucune des deux ne s’est plainte de la nouveauté.
    La domestique marchait sur la grève en compagnie de son employeur. De petites vagues venaient mourir à leurs pieds dans un bruissement. Sur leur droite, la maison campagnarde au revêtement de planches blanchies à la chaux donnait une impression de solidité. À gauche, un bras du fleuve séparait la côte sud de l’île d’Orléans. Malgré l’obscurité, ils en distinguaient la silhouette. De pâles lumières soulignaient les fenêtres de maisons paysannes.
    — Pour toi, le grenier n’est pas trop inconfortable ?
    s’inquiéta le gros homme.
    — J’ai été élevée dans un grenier où il pleuvait l’été et où je grelottais l’hiver.
    — Je m’en veux de ne pas pouvoir t’offrir de meilleurs quartiers.
    Elle s’approcha de lui, saisit son bras. A dix heures du soir, ils demeuraient les seuls promeneurs. L’homme prit la taille de sa compagne, la pressa contre lui pour l’embrasser.
    — Je me trouve très bien ici, affirma-t-elle pour le rassurer.
    — Les enfants paraissent se plaire aussi.
    — Ils passent leurs journées à courir dans les

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