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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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champs ou sur la grève, et moi à courir après eux.
    Sa main descendit tout le long de la colonne vertébrale, effleura les fesses. Avec sa mère dans les parages, Fernand ne pouvait se permettre de privauté envers la domestique, surtout { l’intérieur de la maison. Cela le frustrait un peu.
    — Eugénie s’occupe-t-elle parfois des enfants ? demanda-t-il afin de se changer les idées.
    La nature de leurs relations rendait difficile l’évocation de son épouse. Fernand évitait les mots «ma femme» avec Jeanne, privilégiant l’usage du prénom.
    — . . Je suppose que oui.
    — Voilà une réponse plutôt curieuse.
    — Elle leur parle un peu plus, je pense. Antoine la regarde avec de grands yeux soupçonneux, dans ces moments-là.
    De toute la maisonnée, cette femme devait leur paraître la personne la moins sympathique, avec son visage sans cesse maussade. Pour les apprivoiser, elle devrait redoubler d’efforts. Fernand doutait qu’elle en éprouve le désir. Le couple se déplaça vers un bosquet d’arbres près de la grève.
    D’autres promeneurs pouvaient les surprendre, mieux valait faire un effort de discrétion.
    Une heure plus tard, en revenant vers la maison, Jeanne constata d’une voix triste :
    — Demain, tu devras partir très tôt de la maison.
    — Le train part à six heures. Je serai dans mon bureau à temps pour recevoir mes clients du matin.
    Pour la première fois de sa vie, le notaire regrettait de ne pas avoir de voiture.
    — Tu reviendras la semaine prochaine ?
    — Bien sûr. Je ne peux pas me passer de voir ma famille, ou de te voir.
    Elle serra son avant-bras, reconnaissante de la précision.
    — Mais tu ne prendras pas de véritable repos.
    — Pas plus que toi, je suppose. J’essaierai de me libérer pendant une semaine, en août.
    — Ce sera mieux que rien. .
    Sa sollicitude le toucha. Au moment où ils s’approchaient de la maison, l’homme vit bouger le rideau d’une fenêtre {
    l’étage. Eugénie continuait sa surveillance attentive. Les attentions dont elle ne voulait pas, elle tenait à en priver sa rivale.

    * * *
Un peu pour rendre service à Édouard, un peu pour conserver un vestige de sa richesse passée, Elisabeth se trouvait l’heureuse propriétaire d’une petite Chevrolet rouge.
    — Tu dois être la seule femme de Québec à posséder une voiture, remarqua Marie, debout sur le trottoir.

    — Tu oublies toutes ces familles anglaises de la Grande Allée, dit la visiteuse en riant. Juste chez les Price, il semble y avoir plus d’automobiles que d’occupants dans la maison.
    Elle ouvrit la portière côté passager pour permettre à la marchande de monter.
    — Je regrette un peu cette folie, continua-t-elle en prenant place derrière le volant. Cet été, je peux toujours la laisser dans une rue des environs, mais je devrai payer pour la faire entreposer dans un garage tout l’hiver.
    — Cela te donne tout de même la liberté d’aller où tu veux, pendant huit mois par année.
    — Mais maintenant, comme toi, je suis tous les jours liée à mon commerce. Je ne peux même pas fermer le dimanche.
    Le moteur ronronnait bruyamment, agitant l’automobile d’un tremblement régulier. Les deux femmes devaient élever la voix pour couvrir un peu le bruit.
    — Je comprends que l’affluence se maintient.
    — Toutes mes chambres sont occupées par des gens de l’Ontario ou des Etats-Unis. Cela durera jusqu’{ la fin août. Après, l’endroit sera un peu plus calme, avec des pensionnaires réguliers.
    Elisabeth relâcha le frein à main, chercha la pédale d’embrayage de son pied gauche chaussé d’une fine bottine en cuir. Quand elle enclencha la première vitesse, la voiture fit un petit bond brutal en avant, puis avança sur le pavé à une allure prudente. Marie la regardait faire attentivement, enregistrant tous ses gestes.
    — C’est difficile, conduire ?
    — Non. Edouard m’a donné quelques leçons. Bien sûr, il me faudrait rouler plus souvent, pour en prendre l’habitude.
    — Mais le commerce. . Je sais.

    La jolie blonde descendit la rue de la Fabrique, s’engagea me Saint-Jean afin d’emprunter la côte du Palais. Elle portait un chapeau cloche bas sur les yeux, des gants en dentelle, une jolie robe noire. Sur les trottoirs, des hommes s’arrêtaient pour les regarder passer. Certains laissaient même échapper un sifflement destiné aux voyageuses.
    Elles se dirigeaient vers la Basse-Ville. Une fois passée la rivière

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