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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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longue, elle ne chercha pas à dissimuler son ennui. Fernand prit place sur une chaise près de la fenêtre, apprécia de nouveau le décor de bonbonnière.
    — J’ai conclu le marché ce matin. Nous devrons partir pour la campagne demain.
    — Si elle y va, je resterai ici.
    — Nous avons déjà eu cette conversation. Sois raisonnable.
    Le petit visage présentait la mine butée des mauvais jours. Eugénie serrait les mâchoires, ses yeux exprimaient une colère contenue.
    — Tu ne vivras pas ton idylle avec la bonne sous mes yeux.
    Eugénie se souvenait des événements survenus vingt ans plus tôt dans Charlevoix. Sa mère malade s’enfermait dans sa chambre d’hôtel, son père en proie au désir parcourait la campagne avec les enfants et Elisabeth.
    — Ecoute, si tu veux rester ici, soit. Tu pourras préparer mes repas, entretenir la maison. Ce sera pour nous comme une nouvelle lime de miel. Sans les enfants ou ma mère dans la maison, nous retrouverons enfin un peu d’intimité. Qui sait? Peut-être pourrai-je approcher de nouveau ton lit, dont tu me prives depuis bientôt trois ans. Si Dieu est avec nous, tu donneras aussi à notre ménage un nouvel enfant.
    Comme j’ai été fils unique, j’aimerais avoir une famille nombreuse.
    Il avait parlé d’une voix sérieuse, posée. Les yeux d’Eugénie montraient le plus grand effroi.

    — Tu parais surprise, précisa Fernand. Pourtant, je te l’ai dit dès le début, je ne passerai pas toutes ces semaines {
    la campagne. Cette modification à la maison me coûtera une fortune. Je ne veux pas négliger mon cabinet. Je ne m’absenterai que pendant une semaine, et bien sûr les samedis et les dimanches.
    L’homme marqua une pause, puis il précisa, cette fois avec un sourire chargé d’ironie :
    — Nous renouerons avec la tendresse et l’affection de nos premières années de mariage.
    — Ne fais pas l’imbécile avec moi.
    Fernand arriva à affecter la plus grande incompréhension.
    — Tu ne veux pas te trouver dans une maison de campagne avec Jeanne, observa-t-il. Dans ce cas, tu iras, et elle restera ici avec moi.
    Un moment, Eugénie imagina avec horreur son mari et la domestique étendus dans le lit conjugal. C’était une réflexion d’autant plus étrange qu’elle-même en avait chassé le gros notaire.
    — Comme cela, siffla-t-elle, tu n’aurais même plus
    { te cacher. Tant qu’{ y être, pourquoi ne pas aller te promener avec elle bras dessus, bras dessous sur la Grande Allée?
    Son interlocuteur choisit de ne pas faire attention à la repartie.
    — Bien sûr, si Jeanne ne va pas à Saint-Michel, cela signifiera que pendant quelques semaines tu devras t’occuper de tes enfants comme une véritable mère, et cela toute la journée. Ma vieille gouvernante ne peut plus se livrer à ce genre d’exercice.

    Elle s’enferma dans le silence pendant de longues secondes. A la fin, l’homme se leva en disant:
    — Tu me diras ce que tu préfères au dîner. Nos dispositions seront différentes, si tu décides de demeurer ici, avec moi.
    Il avait ouvert la porte de la chambre quand elle céda.
    — J’irai { la campagne. . Elle aussi.
    Depuis des semaines, elle arrivait à ne jamais prononcer le prénom de la domestique. Plus que tout, Eugénie tenait
    { l’empêcher de se trouver en tête-à-tête avec Fernand.
    L’objectif ultime de son existence devenait de les priver d’être heureux, ne serait-ce que lors de moments volés.
    — Même si je renonce avec peine à cette seconde lune de miel avec toi, je me ferai une raison. Je passerai les prochaines semaines seul dans ce chantier de construction.
    De nouveau, son sourire trahissait son amusement.
    — Tu prépareras tes affaires, nous partirons tôt demain.
    Il ferma la porte doucement derrière lui.

    *****
De l’autre côté du couloir se trouvait la chambre de sa mère. Après avoir frappé, Fernand y pénétra pour la trouver concentrée sur son livre de prières. La grosse femme drapée dans sa robe noire leva les yeux vers lui, souriante.
    — Antoine est passé me voir, dit-elle. Selon lui, tu as embauché un ouvrier remarquable.
    — Le contrat est signé, les travaux commenceront dans deux jours.
    — Tu es certain que c’est une bonne idée ?
    — La meilleure, dans les circonstances. Tu n’auras plus à gravir ces escaliers, et moi, je prendrai le bureau de papa, le clerc occupera le mien.

    Au cours des dernières semaines, le jeune notaire avait rencontré

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