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Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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d’un roulement sourd, les explosions se rejoignaient l’une l’autre dans ce magma sonore qui annonçait la chute du Reich.
    Élisabeth entourait de ses bras la tête de Sarah pour l’empêcher de voir au-delà, ces heures écoulées, sa mère laissée.
    La pluie mêlée de neige commença à tomber, perçant l’épaisseur des arbres, ajoutant le froid à la faim. Sarah et Élisabeth se serrèrent, poitrine contre poitrine.
    — Si je vis, commença Sarah…
    Élisabeth lui embrassait les yeux.
    — Nous vivrons, dit Élisabeth. Même s’ils nous tuent.
    Sarah vit l’aire devant le Mas Cordelier. Une petite fille courait, se cachant derrière les oliviers, ses cheveux dénoués au-dessus de la mer lointaine.
    — J’adopterai un enfant, dit Sarah.
    Mère morte. Mère recommencée.
    La pluie mêlée de neige retardait l’aube et les phares camouflés éclairaient mal la route qui traversait la forêt. Karl Menninger assis sur la banquette arrière du côté opposé à Berthold, le feldwebel qui lui servait de chauffeur, avait essayé avec une lampe de poche d’étudier les cartes ouvertes sur les genoux, de tracer ce front de Poméranie vers lequel il roulait, traversant l’Allemagne de l’ouest au nord-est, appelé par le Grand Quartier Général du Führer à prendre le commandement des troupes qui s’accrochaient autour de Koenigsberg, enterrées dans le sol encore gelé, soldats guettant le bruit des chenilles des tanks russes. Ce grincement qui hérissait la peau. Dietrich… peut-être parmi eux, la tête rentrée dans les épaules, l’œil droit cherchant la visée du panzerfaust, le char qui dressait sa masse, vague figée un instant, déferlement d’acier qui allait retomber.
    Karl Menninger eut la nausée, la lecture des cartes sur cette route sinueuse ou bien l’image de son fils menacé comme des centaines de milliers d’hommes qui avaient accepté de jeter leurs corps contre le métal et qui depuis cinq ans s’y étaient déchirés.
    Le chauffeur freina brutalement et Karl Menninger, qui avait fermé les yeux, fut projeté en avant. Il porta la main à son revolver. Le Reich n’était plus que lambeaux. Des avant-gardes russes, ou des groupes de prisonniers évadés pouvaient contrôler certaines régions. Les temps superbes quand les routes de France s’ouvraient devant les colonnes blindées de Menninger, dans l’odeur du blé mûr, étaient révolus. L’ennemi souillait le pays.
    — Des femmes, mon Général, dit Berthold, en baissant la voix.
    Elles étaient rassemblées sur la route, formant une colonne dont Menninger distinguait les premiers rangs. Elles avaient la tête nue et rasée, elles portaient l’uniforme rayé des bagnards. Dans la faible lueur bleutée des phares, elles paraissaient, surgissant ainsi de la forêt, à peine vivantes et il semblait qu’elles allaient s’effacer englouties par le brouillard qui s’accrochait aux arbres.
    Il y eut des aboiements, des hurlements, des coups de feu. Des SS que Menninger apercevait maintenant descendaient rapidement le talus qui conduisait à la route, parfois les troncs d’arbres les masquaient puis ils reparaissaient, leurs longs manteaux de cuir noir brillant de pluie. Ils s’arrêtaient, tiraient une rafale dans les broussailles, recommençaient à descendre. Certains tenaient des chiens en laisse. Karl Menninger sortit son revolver, le posa près de lui sur la banquette.
    Quand une armée se défait, qu’un peuple se répand sur les routes comme d’un sac crevé, qui peut savoir ce qu’il advient ? Qui est l’ennemi de l’autre ?
    Menninger vit deux SS, la mitraillette calée sous le bras droit, se diriger vers la voiture. Il se souvint de Hambourg, des années 20, combats de rues entre Allemands, ces marins rouges qu’il fallait traquer dans les ruelles proches du port, et tout à coup un autre souvenir lui vint, oublié, si nombreux les combats depuis, les hommes morts près de lui… Une route de France, au début de juin 1940, une colonne de camions que les panzers avaient arrêtée, qui s’était rendue sans combat. Menninger avait voulu voir l’officier, un lieutenant-colonel qui croisait les bras, fixait Menninger avec mépris, refusait de répondre aux questions, d’abandonner sa colonne et ses hommes. Menninger s’était tourné vers le major Haupt, son aide de camp :
    « … Haupt, prenez-le dans votre char, si nous le laissons ici, il va secouer ses soldats et nous les aurons sur nos

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